Je suis diabétique depuis 1989, j’avais 12 ans quand mon diabète s’est déclaré. Traitée sous pompe depuis 2005 pour préparer ma grossesse. Formée à l’insulinothérapie fonctionnelle depuis 2008.
Je me suis toujours dit que je ne souhaiterais pas cette maladie même à mon pire ennemi.
En janvier 2007, j’accouche d’un petit garçon à 32 semaines. Il faisait 2.5Kg, l’accouchement ne s’est pas très bien passé, il a passé 1 mois en néonatalogie dont la première semaine en service de réanimation pédiatrique à Amiens.
Après avoir accouché, ma première question à ma diabétologue a été peut-on savoir si mon fils va être diabétique. Elle m’a répondu que certaines personnes qui avaient les gènes ne déclaraient jamais la maladie et d’autres qui n’avaient pas les gènes la déclaraient.
Bien qu’on m’avait annoncé un risque de seulement 5% de transmission, j’ai préféré éduquer mon fils avec un minimum de produits sucrés, les sodas sont pour les adultes, les enfants c’est jus de fruit, les bonbons pareil c’est pour les grands.
La découverte du diabète chez mon fils
Le mercredi 27 janvier 2009 après avoir passé comme tous les mardis la nuit et son mercredi chez mes beaux-parents, ma belle-mère me dit : « Ce matin la couche a débordé, le pyjama et le lit étaient trempés. Et puis il m’a demandé à boire plus souvent que d’habitude hier soir. » Et là pas de doute possible dans ma tête, je me suis un peu décomposée tout en gardant mon calme. Je leur ai dit demain matin au réveil je lui ferai une glycémie et on verra. Bien qu’intérieurement c’était tout vu. Mais mon entourage ne comprenait pas ma certitude alors je n’ai pas insisté, je me suis dit que les médecins leur expliqueraient mieux que moi ce qui était en train de se passer et comment notre vie devrait s’organiser.
Ils essayaient de garder un espoir et refusaient ce qui était en train de nous arriver. Pour eux, comme mon fils n’était pas né diabétique, ils ne se posaient plus la question. Ils avaient entièrement occulté cette éventualité. Ils m’ont rarement vu en hypo, ils ne se rendaient pas compte de mon quotidien. Le seul qui savait un peu c’était mon mari car il avait déjà dû me faire des piqures de glucagon les matins où je ne me réveillais pas.
Je me disais, en fonction de sa glycémie, je l’emmène à l’école puis à 16h00 je l’emmène à l’hôpital, comme ça j’ai le temps de prévenir, de préparer le sac et de m’organiser.
Le lendemain matin, sa glycémie était de 1,56. Le verdict est clair et sans appel, tout le monde essaye de garder espoir en me disant mais non ce n’est pas sûr, les médecins nous dirons peut-être que … Mais au fond de moi je sais, à jeun une personne non diabétique n’est jamais au-dessus de 1,40.
Je l’emmène à l’école, je préviens la maitresse qu’il sera sûrement absent pour une période non déterminée. Arrivée au travail, j’appelle ma diabétologue et l’hôpital Robert Debré qui me conseillent d’aller dans l’hôpital le plus proche de chez moi.
A 16h00, je vais chercher mon fils chez la nourrice, je l’en informe et nous voilà parti aux urgences. J’explique aux infirmières que je pense que mon fils est en train de décompenser, pour son goûter, je lui ai donné des fruits pour qu’il ne monte pas de trop tant qu’il n’a pas d’insuline. 16h30 : près de 2,00 gr.
Parler du diabète avec son enfant et avec les autres
J’ai attendu de voir comment les médecins allaient aborder le sujet avec mon fils avant d’en parler avec lui. Et là les médecins s’occupent des parents et personne ne lui explique ce qui est en train de se passer.
Moi je culpabilise, ce que je craignais le plus est arrivé. Alors je lui explique qu’il est comme maman. Que maman, elle a une pompe à insuline et que c’est pour ça qu’il ne l’a jamais vu se piquer mais qu’il va devoir faire sa glycémie comme maman, et que maman aussi se piquait avant. Sa « chance », mon fils n’est pas différent des autres il est comme maman.
Le hic c’est que je suis dans un hôpital généraliste et mon fils est mis en pédiatrie et non en diabétologie. Ils n’ont jamais vu une pompe, ils n’ont pas de vrai cursus de formation pour les proches. Qu’est-ce qu’une hypo, une hyper…
Le pédiatre a expliqué les risques à ma belle-mère de façon « rassurante » : « Alors les hypos et les hyper quand elles sont trop importantes, ça peut être grave, très grave, jusqu’à la … enfin ça n’arrive que très rarement alors on ne va pas en parler !!! » Et moi après je dois rassurer, expliquer qu‘en étant informé, et formé, on n’en arrivera jamais jusque là, mais je ne suis pas médecin, je ne peux pas rattraper ce choc généré par le médecin. Le même médecin au début de la séance m’avait dit : "vous êtes diabétique vous saviez que votre fils le serait !!!! "
Alors je mets tout en route pour qu’au plus vite il soit redirigé vers Robert Debré où j’avais été soignée quand j’étais ado. Il est hors de question que mon fils reste ici ! J’arrive à le faire sortir en 10 jours alors qu’en général il faut trois semaines d’hospitalisation. Les doses sont trouvées, le RDV est pris chez Robert Debré.
Au mois d’avril, il est hospitalisé pour passer sous pompe à insuline. Il est vraiment comme maman, on compare les pompes, on choisit ensemble un autocollant. A l’hôpital c’est un service diabéto pour enfant, il rencontre d’autres enfants qui sont comme lui, les médecins et tout le service hospitalier le comprend et lui explique. Ce n’est pas parce qu’il n’a que 3 ans qu’il n’est pas capable de comprendre.
Le retour au quotidien
Le retour au quotidien n’est pas évident, il faut expliquer à tout le monde les risques, les nouveaux contrôles, les points sur lesquels il faut être vigilant. Il mange son premier bonbon à l’école et quand il fait chaud, on m’annonce qu’on lui a « juste » donné une glace à l’eau … Alors là, on se dit, je reste zen et je lui explique : « Madame sans sirop, la glace à l’eau, c’est un glaçon donc oui il y a du sucre dans la glace à l’eau !!! ». Pour moi c’est évident cela fait 20 ans que je lis les étiquettes dans tous les sens, mais les autres ne se posent pas ces questions, ne sont pas suivis par une diététicienne. Il faut leur expliquer doucement avec pédagogie tous les impacts sur la vie de mon fils. Comme une mère d’élève qui me dit qu’elle est contre le coca light pour les enfants au moment des goûters d’anniversaire et que donc ce sera lait pour tout le monde, oui mais même dans le lait il y a des glucides auxquels mon fils n’a pas le droit en dehors des repas. Je le vois dans son regard qu’elle pense que c’est de ma faute si mon fils est comme ça et en plus elle me juge quant à son alimentation …
Les réactions des uns et des autres
Quand les collègues, et l’entourage apprennent, d’un côté c’est « oh le pauvre petit, mais comment tu vas faire, c’est vraiment terrible. » ou de l’autre « Oui mais maintenant ça se soigne bien, ça va. »
Alors on a des idées un peu incohérentes : au premier, on a envie de répondre : et pour moi, vous ne vous êtes jamais posé la question de comment je le vivais et comment était mon quotidien! Et maintenant, c’est la fin du monde car mon fils est comme moi et c’est limite, si vous ne m’accusez pas d’être une mauvaise mère qui a donné sa maladie à son enfant.
Et de l’autre, on a envie de répondre : ce n’est pas vous qui toutes les heures vous demandez j’espère qu’il n’est pas en hypo, en hyper, qu’on ne lui a pas arraché son cathéter, que ses copains ne vont pas vouloir appuyer sur les boutons. Et que vous ne savez pas comment vous allez faire quand il aura piscine, alors oui, c’est mieux qu’il y a 20 ans, mais vivre avec un diabète, ça n’est jamais facile, ce n’est pas un long fleuve tranquille. On ne sait jamais ce qui va se passer. Le cathéter qui se bouche, les résultats qui sont au top pendant une semaine et la semaine d’après... tout déraille et il faut changer la base. Pourquoi ? Je ne sais pas.
Mon propre père qui se demande pourquoi la glycémie est élevée alors qu’il a tout fait comme il fallait, qu’il a pesé, mesuré. Comment ça se fait ? Parce que c’est comme ça, peut être qu’il y a une bulle, qu’il s’est cogné et donc qu’il a pleuré, ou que le fil est tortillonné et que l’insuline ne passe plus. Mais que je n’ai pas toujours réponse à tout. Alors comment je fais ? Je ne sais pas, je me débrouille, je m’adapte à la situation, il faut juste laisser plus de place aux aléas dans son quotidien. Et ne jamais penser que l’on a tout prévu, toujours prévoir de changer un cathéter en urgence, prévoir 1 heure à la pharmacie pour compter les 8 flacons d’insuline par mois, les 18 boîtes de languettes d’acétone…
Une autre complicité avec son enfant
Un an après, il fait ses glycémies tout seul, il appuie sur le serteur pour mes changements de cathéter et je lui fais les siens. Il commence à faire ses bolus mais bien sûr, on ne lui a pas montré comment déverrouiller la pompe. En même temps, il nous dit souvent qu’il a mal au ventre en espérant qu’il est en hypo pour avoir du sucre. Et on vérifie par la glycémie.
Nous avons fait le choix qu’il mange de tout, quand il a des bonbons pour les anniversaires des copains, on lui en donne un en dessert de manière à ne pas trop le priver. Il sait qu’il n’a pas le droit de manger entre les repas.
J’ai rencontré des parents d’enfants diabétiques mais je ne suis pas comme eux, je suis diabétique et maman d’un enfant diabétique. Je sais ce que ressent mon enfant. Je sais que quand une heure après manger, il a faim, ce n’est pas normal et qu’il doit être en hypo. Je sais que quand il est en hyper, il ne se sent pas bien dans ses baskets et qu’il n’arrive pas à se maitriser.
En conclusion, personne n'a dit que la vie serait facile. Ils ont juste promis qu'elle valait la peine, je suis pleinement heureuse d’avoir mon fils, mais être diabétique ne nous facilite pas la vie. Transmettre cette foutue maladie à la chair de notre chair, c’est pire encore, mais on arrive à supporter tout ça, grâce à l’amour que nous nous portons et aux joies quotidiennes.
J’ai la chance aussi de pouvoir me reposer sur des personnes de confiance. Merci à tous ceux qui s’occupent de mon fils avec toute l’attention particulière dont il a besoin.