Quinze jours que nous étions mariés, lorsque je surprends Denis, un matin à 7 h, en train de se faire une injection.
Vous imaginez ma démarche : achat d’un livre concernant le diabète et surtout dialogue pour connaître l’historique de sa maladie, plus demande de conseils de cuisine auprès de ma belle-mère, afin de ne pas faire d’erreurs. Cette dernière avait seulement omis de me dire qu’un diabétique, lorsqu’il était en hypoglycémie, était parfois injuste dans ses paroles. Ce dernier fait, je l’ai appris 18 mois plus tard, par la bouche de sa grand-mère. Soulagement immense. Les reproches que Denis me faisait à certains moments, ne venaient pas du fait que j’étais une mauvaise épouse, mais tout simplement parce qu’un diabétique peut dire des mots qu’il ne pense pas. Ouf, moi qui avais failli me sauver avec notre petit garçon de quelques mois sous le bras, en me disant que je n’étais pas faite pour la vie de couple, j’étais rassurée : tout ceci était tout simplement provoqué par le diabète.
Notre premier enfant est né en avril 1988. Lorsque j’étais enceinte, j’ai posé la question au gynécologue de la maternité qui me suivait : « Combien y a-t-il de chances pour que notre bébé soit diabétique ? » Réponse : « Quasiment aucune. » Merci la vie. Nous allons pouvoir concevoir une jolie petite famille. Avec mon caractère jovial et boute en-train : tout pour faire que mon mari se soigne et vive sa maladie dans une ambiance positive. 1990, je réclame un deuxième enfant et une petite fille arrive 10 mois plus tard. J’étais très heureuse, grossesse sans problème.
Mais, le dernier mois, j’ai reposé la question concernant le risque de transmission du diabète à notre enfant. Là, douche froide. Réponse de la sage-femme : « Une chance sur quatre. » Sincèrement, je me suis dit être bien égoïste et surtout inconsciente d’avoir réclamé ce second enfant à Denis. Aujourd’hui encore, je me culpabilise car je sais que nos deux enfants ont une épée de Damoclès sur la tête (Denis a un frère diabétique également).
À ce jour, Jérémy a 20 ans, Marilyne 18. Deux enfants en bonne santé, peu habitués aux sucres, et qui sont capables, depuis de nombreuses années, de gérer les malaises de leur papa en mon absence. Ils ont appris aussi à ne pas tenir compte des mots injustes prononcés par leur père à certains moments, plus d’autres choses encore, imposées à la famille d’un diabétique. Par exemple, Jérémy, cette nuit, en rentrant du dancing, vient de m’aider à changer le pyjama trempé de son père et aussi à le repositionner dans notre lit (c’est lourd, pour une femme, un homme de 75 kilos qui est inconscient, suite à une hypo).
Depuis que nos deux enfants sont nés, je ne leur ai jamais caché la situation et les risques liés au diabète. J’ai simplement expliqué avec les mots qui correspondaient à leur âge. Ils savent que la vue, les muscles et un rein de leur papa sont rongés par le mal. Ils sont très gentils, sérieux, les pieds sur terre et nous donnent, à Denis et à moi, beaucoup de satisfactions. Ils ont aussi hérité de l’humour et de la joie de vivre de leur maman et je vous assure que ce n’est que du positif.
Janvier 1998, notre petite famille a été confrontée à un drame familial. Denis a perdu une main, suite à un accident. J’ai assuré : pendant 4 mois, tous les après-midis au chevet de mon mari pour le booster et, le reste du temps, j’étais à 200 % pour rassurer mes deux petits.
Cette épreuve a démontré que nous étions un petit clan familial bien solide et très soudé. Après huit opérations et presque une année d’aller-retour de leur papa à l’hôpital, notre famille est repartie sur ses bases habituelles.