Qualifiée de médicament miracle à l’époque,l’insuline demeure, aujourd’hui encore, indispensable pour les personnes atteintes de diabète de type 1 et un traitement essentiel pour beaucoup de patients atteints de diabète de type 2.
Le diabète, l’une des maladies les plus anciennement connues
Antiquité
Les Grecs et les Egyptiens connaissent le diabète comme en témoigne Claude Galien, médecin grec exerçant à Rome (131-201 après J.C.), dans une de ses oeuvres : « Les reins et la vessie ne cessent d’émettre des urines. Il ne peut s’empêcher de boire et d’uriner ».
1776
Dolson isole le sucre des urines ; la réaction des sels de cuivre (liqueur de Fehling) permet de mesurer la glycosurie (présence de glucose dans les urines). Il démontre que ce n’est pas seulement l’urine des diabétiques qui contient du sucre mais aussi le sérum sanguin dont il isole un dépôt ayant le goût du sucre.
Le mot diabète vient du grec « couler à travers », terme qui renvoie aux deux principaux symptômes de la maladie : une grande soif et le besoin d’uriner fréquemment.
Sur la piste de l’insuline
1855 Claude Bernard :
- montre que la glycémie reste pratiquement constante, quelle que soit l’alimentation ; il décrit le rôle du foie qui met le glucose en réserve sous forme de glycogène (amidon animal) et peut le retransformer en glucose ;
- présume que la glycosurie n’est qu’un symptôme et pas la maladie elle-même ; il fait du diabète « un trouble général de la nutrition ».
1869
L’étudiant en médecine allemand Paul Langerhans (1847-1888) découvre que le pancréas contient, à côté des cellules sécrétant le suc pancréatique, d’autres cellules, regroupées en îlots. Ces cellules porteront son nom : les îlots de Langerhans.
1889
Le lien entre pancréas et diabète sucré est établi expérimentalement lorsque les médecins allemands, Oskar Minkowski (1858-1931) et Josef Von Mering (1849-1908), montrent que l’ablation du pancréas chez un chien provoque le diabète sucré.
1920-23 : l’avancée décisive
Octobre 1920
Frederick Grant Banting, jeune chirurgien canadien 1920 de 29 ans, supposa que le pancréas pouvait en plus de sa fonction exocrine (de sécrétion d’enzymes agissant sur la digestion), avoir une fonction endocrine : production d’une hormone par les îlots de Langerhans capable de réguler la glycémie. Il souhaite alors démontrer sa théorie et surtout extraire et purifier l’hormone pour l’utiliser dans le traitement du diabète. Mac Leod, professeur de physiologie à Toronto lui procure un petit laboratoire et des animaux d’expérience, ainsi que l’aide de Best, canadien de 22 ans, diplômé de physiologie et de biochimie et étudiant en médecine.
La substance extraite des îlots de Langerhans est appelée insuline (du latin insula = île)
Mai 1921
Ils testent les extraits pancréatiques obtenus (qu’ils nomment « Soletine ») sur des chiens rendus diabétiques par pancréatectomie. Au cours de l’automne, grâce à l’aide du biochimiste Collip, ils obtiennent des extraits aux effets hypoglycémiants.
Août 1921
Un professeur roumain, Nicolas Paulesco, montre que, chez un chien rendu diabétique par pancréatectomie, une substance contenue dans le pancréas réduit rapidement le taux de glycémie. Il appelle cet extrait pancréatique « Pancréïne », universellement connue ensuite au nom d’insuline. En raison des effets secondaires, Paulesco ne fait pas d’essai chez l’homme.
Décembre 1921
Les résultats du professeur sont présentés à la Société Américaine de Physiologie : « nous avons obtenu, à partir du pancréas d’animal, quelque chose de mystérieux et qui, injecté à un chien diabétique, supprime tous les symptômes cardinaux de la maladie. Si cette substance agit chez l’homme, ce sera un grand bienfait pour la médecine ».
Charles Gardin établit qu’un extrait pancréatique de porc, administré par voie veineuse à six sujets humains, dont quatre diabétiques, diminue la glycémie.
11 janvier 1922
La première injection à l’homme. Les premières injections d’extraits pancréatiques sauvent Leonard Thompson, garçon de 14 ans atteint d’un diabète au stade de coma. C’est une première.
1923
Le prix Nobel de Médecine est décerné à Banting et Mac Leod. Banting le partage avec Best, Mac Leod avec Collip.
De la recherche fondamentale à la production industrielle
1923
Des laboratoires se mettent à produire de l’insuline extraite de pancréas de boeuf et de porc.
1935
Mise au point par Hagedorn et Fisher de l’insuline Protamine Zinc, première insuline d’action lente.
1946
Mise au point et commercialisation en 1950 de la Neutral Protamine Hagedorn, insuline d’action intermédiaire encore aujourd’hui largement utilisée sous le nom de NPH ou dans les mélanges préétaplies (ou Prémix).
L’insuline est la première protéine dont on a pu déterminer entièrement la structure chimique.
1955
Il faut attendre 1955 pour que le biochimiste anglais Frédérick Sanger décrive la structure chimique de l’insuline. Les chercheurs comprennent alors qu’il existe des différences entre l’insuline humaine et les insulines animales jusqu’alors utilisées comme traitement.
La qualité de l’insuline d’extraction s’améliore au cours des années
1978
Les laboratoires Eli Lilly réussissent le clonage du gène humain de l’insuline, étape importante pour produire de l’insuline par génie génétique.
1980
L’insuline de porc est humanisée en modifiant le seul acide aminé qui la distingue de l’insuline humaine.
1982
La première insuline humaine obtenue par génie génétique, apparaît sur le marché. Contrairement aux insulines extraites de pancréas animaux, celle-ci est véritablement de l’insuline humaine.
1986
Les laboratoires Novo choisissent la levure Saccharomyces cerevisiae plutôt que le colibacille pour exprimer le gène humain de l’insuline et obtenir l’hormone industriellement.
1997 et 2003
Apparition en France des nouvelles insulines dont la structure a été modifiée pour changer leur rapidité d’action : les analogues rapides (1997) et les analogues lents (2003).
2004
Une autre voie d’administration de l’insuline est testée : l’insuline inhalée.
Et demain ?
Depuis la découverte de l’insuline en 1921, les chercheurs continuent à améliorer le quotidien des diabétiques et espèrent demain vaincre la maladie notamment avec des recherches sur :
- Les autres voies d’administration de l’insuline
- Le pancréas artificiel, pompes insulines.
- Les greffes d’îlots de Langerhans.