Que se passe-t-il dans mon organisme lorsque je jeûne ?
Le glucose est indispensable à votre vie puisque, sous l’action de l’insuline, il pénètre dans vos cellules où il va servir à fabriquer de l’énergie pour vivre (ATP). Lorsque vous mangez, tout le glucose n’est pas utilisé immédiatement : une partie est stockée, essentiellement dans le foie, sous forme de glycogène. Lorsque vous jeûnez, la quantité de glucose circulant diminue, la production d’insuline aussi et, sous cette action, votre foie va commencer à libérer ses réserves. Mais les réserves hépatiques ne sont pas infinies et ne permettent de couvrir qu’environ 24 heures de jeûne.
Après ces 24 heures, d’autres mécanismes se mettent en marche : du glucose peut ainsi être fabriqué à partir des protéines (muscles) ou des acides gras (tissu graisseux).
Ainsi, la production de glucose va se poursuivre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de substrat… Si le jeûne se poursuit trop longtemps, ces phénomènes adaptatifs vont être dépassés, la production d’ATP deviendra insuffisante et les conséquences vont se faire sentir… La production hépatique de glucose est altérée lorsque vous êtes diabétique, la sécrétion d’insuline n’est pas non plus normale, et vous pouvez parfois prendre des médicaments qui la stimulent : tout ceci peut entraîner des conséquences beaucoup plus rapidement délétères en cas de jeûne.
Quels sont les risques que j’encours lorsque je suis diabétique ?
S’il s’agit d’un jeûne en tant que tel, le risque est principalement hypoglycémique. S’il s’agit du ramadan, on parle à la fois du jeûne mais également du rythme et du mode alimentaire complètement perturbés lorsqu’on ne peut manger qu’aux horaires autorisés.
Durant une période prolongée de jeûne, vous ne pourrez ingérer ni liquide ni solide. Le risque encouru est essentiellement l’hypoglycémie, si vous n’avez pas pris soin de faire adapter votre traitement en concertation avec votre médecin.
De plus, au coucher du soleil, l’alimentation et l’hydratation sont de nouveau autorisées. Le risque est la surcharge d’apports alimentaires, dont les conséquences peuvent être l'hyperglycémie et la décompensation métabolique aiguë si vous prenez votre traitement à des doses inadaptées.
Si, par exemple, vous êtes diabétique de type 1 et votre glycémie a augmenté à 3 voire 4 g/l : l’hyperglycémie se manifestera par une soif intense et une envie fréquente d’uriner. Une quantité élevée de glucose circulera dans votre sang et votre organisme, en manque d’insuline, ne pourra plus utiliser ce glucose pour nourrir vos cellules. Votre organisme va alors dégrader les graisses pour survivre et produire de l’acétone.
L’acétone va acidifier le sang et, si rien n’est entrepris, vous allez donc arriver en état d’acidocétose avec nécessité d’apport urgent d’insuline (la plupart du temps en milieu hospitalier). Il s’agit d’une grave complication du diabète.
Il existe également un risque non négligeable de déshydratation, surtout en période de chaleur ; ce phénomène peut être accentué par l’hyperglycémie (urines fréquentes et abondantes).
Dans quels cas le ramadan m’est-il contre-indiqué ?
Les règles concernant la dispense du ramadan sont très clairement indiquées dans le Coran :
La Sourate II verset 183 précise :
« Si le jeûne peut altérer de manière significative la santé du jeûneur ou lorsque la personne est malade , l’Islam l’exempte du jeûne.»
Les Imams connaissent parfaitement ces règles. Il ne s’agit pas de mettre en péril votre santé.
Sourate II, verset 185
« Allah cherche à vous faciliter l’accomplissement de la règle, il ne cherche pas à vous la rendre difficile. »
Le ramadan est contre-indiqué :
• pour les enfants (estimés trop fragiles avant la puberté),
• si vous êtes trop âgé, à cause du risque important de déshydratation (notamment durant l’été, en période de canicule),
• si vous êtes enceinte
• si vous avez un diabète déséquilibré traité par insuline (sans schéma basal-bolus, sans insulinothérapie fonctionnelle)
• si vous avez des complications dégénératives du diabète non contrôlées (complications neurologiques, cardio-vasculaires)
• si vous avez des maladie(s) ou infection(s) associée(s)
Sourate II, verset 184
« Celui d’entre vous qui est malade ou qui voyage jeûnera ensuite un nombre égal de jours ».
Par exemple, si vous avez la grippe, vous pouvez interrompre le jeûne et reporter cette période à la fin du ramadan ou ultérieurement dans l’année.
Enfin, si vous êtes dispensé de ramadan par l’Imam, par le Coran ou par votre médecin, en raison d’une maladie chronique ou aiguë, vous pouvez également compenser cette période de jeûne.
Sourate II, verset 184
« Ceux qui pourraient jeûner et qui s’en dispensent devront, en compensation, nourrir un pauvre. »
La plupart du temps, c’est en versant à la mosquée l’équivalent monétaire d’un repas par jour (généralement entre 5 et 10 €) de façon à aider les indigents à pouvoir manger à leur faim. Le ramadan est également fortement déconseillé si vous exercez un métier nécessitant une activité physique intense et soutenue (notamment si le jeûne liquide est maintenu et si aucun aménagement de l’activité et des horaires de travail n’est possible).
Qui puis-je consulter pour avoir un avis médical personnalisé ?
L’idéal est de consulter un diabétologue rompu à ce type de questions avant le début du ramadan. Malheureusement, vous n’êtes pas toujours bien conseillé et orienté par manque d’informations sur la pratique du ramadan :
soit le médecin consulté vous déconseille systématiquement le jeûne
soit il vous laisse le libre choix de gérer votre traitement durant le jeûne.
Le médecin doit être spécialisé dans le diabète :
Avoir une bonne connaissance de la pharmacopée (médicaments) antidiabétique (mode d’action des molécules)
Pouvoir adapter au mieux votre traitement oral ou insulinique (suppression ou remplacement de médicaments, aménagement des prises)
Comment se déroule ma consultation de préparation au ramadan ?
Lors de la consultation, on s’aperçoit que vous ne faites pas toujours le lien entre votre maladie et votre pratique religieuse. Il faut donc vous rappeler que le jeûne a une influence sur votre état de santé.
A l’occasion du ramadan, il est important :
de vous informer sur les risques potentiels liés au jeûne
de vous expliquer au préalable que le diabète est une maladie évolutive nécessitant des adaptations thérapeutiques régulières. Par conséquent, selon l’évolution de la maladie et les traitements utilisés, le ramadan sera probablement contre-indiqué un jour.
Il faut vérifier l’existence de contre-indications. En général, il n’y a pas d’examens spécifiques hormis ceux effectués habituellement par le médecin (hémoglobine glyquée etc).
Il est évident que le ramadan est déconseillé dans les cas suivants :
Si vous êtes trop âgé
Si vous êtes déséquilibré avec des complications et que l’on sait qu’un désordre métabolique, ne serait-ce que transitoire, pourrait aggraver votre état de santé
Si vous avez un traitement trop compliqué à modifier, et que vous êtes peu réceptif à un changement de traitement, et que vous avez des difficultés à comprendre la langue.
La question de la pratique du jeûne du ramadan se posera particulièrement si vous avez un traitement potentiellement pourvoyeur d’hypoglycémies.
Par exemple, les sulfamides hypoglycémiants, lorsqu’ils sont en monoprise (une fois par jour : Amarel, Diamicron…) doivent être modifiés. En effet, ces médicaments ont une longue durée d’action et dans ce cas, il n’est pas question de les avaler lorsque vous jeûnez. A l’inverse, les glinides ou les sulfamides multiprises, que l’on ne prend qu’avant le repas, peuvent être poursuivis. Les biguanides (Metformine) peuvent être maintenus. Les inhibiteurs DPP4 ou gliptines, médicaments non hypoglycémiants, ne doivent être pris qu’au moment des repas.
Si vous êtes traité sous insuline basale, qu’elle soit seule ou associée a des comprimés ou avec des bolus d’insuline rapide, l’insuline basale doit être poursuivie, les bolus seront adaptés en fonction de votre prise alimentaire. Il n’y a donc pas d’incompatibilité absolue avec le jeûne. En revanche, les insulines rapides doivent être suspendues lorsqu’elles précèdent les repas qui n’ont pas lieu. Par contre, en cas de traitement avec des insulines pre-mélangées, soit le schéma insulinique est modifié, soit si cela est trop compliqué, voire impossible, le ramadan est alors contre-indiqué.
Quelques conseils si vous êtes diabétique et que vous allez faire le ramadan :
Vous devez renforcer l’autosurveillance glycémique: c’est indispensable pour suivre le ramadan.
Vous devez effectuer au moins une glycémie capillaire avant chaque repas et deux pendant le jeûne.
Si votre glycémie est inférieure à 0,70 g/l vous devez impérativement rompre le jeûne et vous resucrer immédiatement (sachant que le seuil de ressenti du malaise hypoglycémique est souvent bien inférieur).
Si habituellement vous ressentez peu vos crises d’hypoglycémies, vous devez d’autant plus surveiller votre glycémie.
Vous devez limiter votre activité physique et sportive durant la période de jeûne (particulièrement en cas de forte chaleur).
Vous devez équilibrer votre alimentation sur 2 ou 3 repas pendant la rupture du jeûne. Par exemple, évitez une grosse collation à 18h et un repas à 22h parce que l’apport est rapidement très calorique et augmente considérablement votre glycémie. Privilégiez un seul repas.
Auteur : Fatima Oulhadj, Diététicienne - Ville de Bagnolet