Delphine - Responsable de la communication à la Fédération Française des Diabétiques : " Bonjour Marc, je vous remercie d'être avec moi ce matin pour échanger sur la question de la vaccination contre la Covid-19 chez les enfants. Pouvez-vous présenter votre parcours ?
Marc de Kerdanet : J'ai commencé ma carrière dans un séjour médico-éducatif de l’AJD en 1982. Ce sont des séjours de Soins de Suite et Réadaptation (SSR). Je dirige le service de diabétologie-endocrinologie pédiatrique à Rennes depuis 25 ans. Je suis Président de cette association depuis 2016. L’AJD, c'est une association qui, à côté de la Fédération française se destine aux enfants et aux familles et qui agit pour permettre à ces enfants, ces adolescents jusqu’aux jeunes adultes qui ont un DT1, de mieux vivre avec le diabète.
D : Aujourd'hui, à combien est estimé le nombre d'enfants avec un diabète de type 1 ?
MDK : C'est 25 qu'il faut retenir comme chiffre clé parce que c'est 25 000 enfants qui ont un diabète. C'est 2500 de plus tous les ans. C'est 25% en dessous de 4 ans. Et c'est en gros 250 000 en tout en France y compris les adultes ayant un diabète de type 1.
D. : J’imagine que vous avez été particulièrement vigilant par rapport aux autorisations autour de la vaccination pour les enfants atteints de diabète ?
MDK : On a vu que les jeunes qui avaient un diabète de type 1 non compliqué et sans comorbidités n'avaient aucun risque supplémentaire de faire une forme sévère par rapport aux autres qui n'ont pas cette maladie. On n’a été inquiet qu’au tout début quand on n’avait pas encore de données scientifiques. On sait très bien, maintenant, que les formes graves de Covid-19 dans le cadre du diabète de l’adulte, sont en lien avec l'âge, l'obésité et les comorbidités dont les complications microvasculaires et macrovasculaires du diabète. On ne retient, pour les situations pédiatriques, que l’obésité morbide comme facteur de risque avéré.
En revanche, les pédiatres sont très intéressés par ces vaccinations puisqu’elles permettront à des enfants d'échapper à un risque même très faible. On évalue à 4.000 le nombre d’hospitalisations d'enfants pour Covid en France et des situations sévères très rares - quelques dizaines (sans lien avec un diabète). Globalement, ces patients avec des formes sévères présentaient systématiquement des comorbidités, en particulier l'obésité. C’est la comorbidité principale qui existe chez les adolescents parce que les autres comorbidités qui touchent les adultes comme les problèmes cardiovasculaires sont rares.
D : Et donc, de manière plus générale, si vous deviez passer un message aux parents ?
MDK : D'abord, le principe, c'est qu'il faut à priori plutôt être contre les maladies plutôt que contre les vaccins… Et comme on ne peut pas être contre les deux à la fois, il faut choisir. Deuxièmement, s’il y a peu de risques effectivement, pour les enfants en ce qui concerne la Covid19, il n'y a pas de risques connus de la vaccination. Elle est encore plus efficace que chez les adultes et elle permet d'envisager qu'au mois de septembre, les jeunes, des ados en particulier, qui ont des besoins extrêmement importants de ce point de vue, puissent enfin retrouver une vie sociale normale avec des regroupements avec leurs copains et copines. C’est ça leur vie.
D : Pour vous, envisager la possibilité de vacciner les adolescents, ce n'est pas quelque chose qui peut être considéré comme réellement à craindre du fait que ce sont des enfants ?
MDK : Il n’y a pas de contre-indication connue. Comprenez bien, on a des raisonnements qui sont de deux ordres dans notre société. Il y en a un que j'appellerais la vérité de faits, c'est- à- dire le raisonnement scientifique. On prend un grand nombre de personnes, on regarde ce qui se passe lorsqu'on les vaccine et on sait ce qui se passe après et peu à peu, on établit une vérité qui s'appelle une vérité scientifique, une nouvelle connaissance, en recoupant des études et des informations. Et puis, il y a l’opinion qui est ce que chacun peut en penser, qui ne s'appuie pas forcément sur des faits, mais surtout sur des impressions, des ressentis et qui est tout aussi respectable, mais qui n'a rien à voir avec ce que des associations comme les nôtres peuvent avoir à transmettre. Nous devons nous appuyer sur des faits et pas des opinions. Les faits scientifiques sur la vaccination, c'est que ce vaccin est efficace et que les effets secondaires sont extrêmement ténus et non repérés encore chez les enfants. Eviter de transmettre d’adolescents à personnes âgées cette maladie grâce à la vaccination des plus jeunes est, par ailleurs, une excellente chose sur le plan sociétal.
D : Et quelles sont les demandes de la part de parents à ce sujet ? Quel est votre ressenti ?
MDK : Malheureusement, il y a une confusion entretenue par les journalistes qui est que l’on confond les deux types de diabète DT1 et diabète de type 2. On confond la présence du diabète chez un jeune et chez un sujet âgé et la communication gouvernementale manque de clarté. De ce fait là, on finit par faire peur à des gens en leur disant : “ Vous savez, le diabète est un facteur de risque.” Dans les médias, il y avait encore récemment la mention de « diabétiques » à propos de ces vaccins chez des jeunes, alors qu'en soit, il n'y a aucun risque connu. Par contre, si c'est une personne qui a un diabète, une obésité morbide associée, même si elle a 15 ans, constitue un facteur de risque. Nous devons rassurer les parents.
Je pense aussi qu'il y a des confusions entretenues, sur les origines nutritionnelles par exemple, pour les personnes qui ont un diabète. Il est important de souligner que ce n’est pas un comportement fautif qui provoque le diabète, bien sûr pas le DT1 qui est un accident de l’immunité, mais pas non plus de mon point de vue le type 2 qui comporte des déterminant génétiques tout autant que nutritionnels. C’est absolument déplorable ces jugements hâtifs et cette culpabilisation à l’encontre des adultes et plus encore à l’égard des enfants.
Pour rappel, nos recommandations s’appuient sur faits établis scientifiquement. Il s’agit d’une proposition d'analyse de la situation à partir des données objectives de la science, des connaissances. Comme l’a rappelé la Haute Autorité de Santé, « la vaccination des adolescents présente des bénéfices individuels et collectifs ». Cependant, chaque personne doit pouvoir décider pour elle-même ou pour ses enfants. Il s’agit d’un principe fondamental pour la sauvegarde de notre liberté. "