L’insuline est vitale pour les patients diabétiques de type 1 et elle est assez souvent nécessaire au cours du diabète type 2.
Les insulines
Les techniques industrielles ont permis l‘élaboration de l’insuline humaine par génie génétique pour la première fois en 1982, remplaçant l’insuline extraite des pancréas d’animaux, porc et bœuf. Le gène permettant la fabrication de cette molécule a pu être transféré à des bactéries ou des levures qui la produisent en masse dans des incubateurs. Ces insulines de synthèse sont aujourd’hui les seules à être commercialisées en raison de leur excellente qualité.1
Ces insulines produites par génie génétique peuvent être la copie exacte de l’insuline naturelle : on parle d’insuline ordinaire. Cette insuline naturelle humaine peut être modifiée pour allonger sa durée d’action par un processus chimique (ajout de protamine, de zinc…).
La structure de l’insuline peut être modifiée pour obtenir des caractéristiques plus adaptées au traitement du diabète. On parle alors d’analogues de l’insuline dont la durée d’action est variable. C’est un champ de recherche très actif en raison du nombre exponentiel de personnes diabétiques (de type 1 ou 2) nécessitant un recours à l’insulinothérapie.
Le mécanisme d’action de l’insuline
Cette hormone est produite par les cellules bêta des îlots de Langerhans situés dans le pancréas. C’est la seule hormone hypoglycémiante de l’organisme, ce qui la rend vitale, puisqu’elle est essentielle au maintien d’un taux de sucre sanguin optimal : autour de 1g/L.2 Elle agit comme une clé permettant l’entrée du glucose sanguin (indispensable au fonctionnement énergétique cellulaire) dans toutes les cellules de l’organisme grâce des récepteurs spécifiques insérés dans la membrane cellulaire. 3
Chez une personne non diabétique, en réponse à une hausse de la glycémie (repas, collation), l’insuline naturellement produite par le pancréas est libérée dans le sang en moins d’une minute lors d’une première vague de sécrétion insulinique ; puis une deuxième vague intervient dans les 30 à 50 minutes après l’élévation initiale de la glycémie. 3
Normalement lors d’un repas, la glycémie augmente jusqu’à ce que la sécrétion d’insuline ramène le taux de sucre sanguin à la valeur physiologique autour de 1 g/L. Il existe donc physiologiquement une hyperglycémie après le repas (période dite post-prandiale) mais elle est modérée et transitoire si l’insulino-sécrétion est suffisante.
Le pancréas secrète tous les jours environ 40 unités internationales d’insuline pour une personne de 70 kg. Ces 40 unités servent pour moitié à assurer le maintien de la glycémie de base (pendant le temps sans activité intense ni repas) et pour moitié à réguler une hyperglycémie soudaine, celle de l’alimentation (repas, collation, grignotage).
Pour mimer la sécrétion naturelle de l’insuline chez les personnes dont le pancréas n’en fournit plus du tout (diabète de type 1), il faut donc assurer la sécrétion de base, dite basale (entre les repas et les activités physiques), et la sécrétion intermittente, liée aux apports en glucides des repas, dite prandiale. L’injection prandiale est ponctuelle ; c’est un « bolus prandial » (voir plus loin les schémas d’administration). Au cours du diabète de type 2, il persiste fréquemment une sécrétion résiduelle d’insuline si bien que lorsque l’insulinothérapie est nécessaire, la prescription d’une seule insuline de base peut être suffisante.
Plusieurs types d’insulines sont disponibles et permettent de s’approcher de cette sécrétion naturelle. Le rythme des injections selon un schéma adapté à la personne doit limiter le temps passé en hyperglycémie responsable de complications à court et long terme (voir - les complications), tout en évitant les hypoglycémies qui peuvent être dangereuses, (voir - faire face à une hypoglycémie).
Les différentes insulines disponibles
Les différentes insulines commercialisées sont pour certaines la stricte copie de l’insuline naturelle (insuline humaine rapide). D’autres sont modifiées pour allonger son action (insuline NPH). Les insulines modifiées, appelées analogues de l’insuline, sont élaborées pour augmenter ou réduire la rapidité et la durée de leur action. Certains analogues agissent vite et pas très longtemps (2 heures environ), ce sont les analogues rapides. D’autres ont une action d’installation plus lente mais de durée plus longue (24 heures en moyenne), ce sont les analogues lents 4.
• Insuline humaine ordinaire - la plus ancienne
Il s’agit de la copie conforme de l’insuline naturellement produite par le pancréas. Elle a un effet rapide (15 à 30 minutes) en injection sous-cutanée, ou très rapide en injection intraveineuse (5-10 minutes).
• Insuline humaine d’action prolongée
L’allongement de la durée d’action de l’insuline humaine ordinaire a été obtenu depuis longtemps, par adjonction de zinc et/ou de protamine : c’est le cas de l’insuline NPH (Neutral Protamine Hagedorn) dont la durée d’action est intermédiaire (10 à 12 heures) et nécessite habituellement 2 injections pour couvrir les 24 heures.
• Analogues rapides
La modification l’insuline, obtenue par le remplacement de certains acides aminés permet d’obtenir des analogues à effet rapide, voire très rapide, se rapprochant des propriétés de l’insuline naturellement produite par le pancréas. Il s’agit de : l’insuline Lispro, de l’insuline Aspart et de l’insuline Glulisine.
Les analogues « rapides » de l’insuline ont un délai d’action de 5 à 10 minutes et une durée d’efficacité de 2 à 5 heures.
Des versions ultra-rapides sont disponibles. Elles ont été élaborées à partir de l’insuline Aspart (faster Aspart ) et de l’insuline Lispro (URLi) 5. Leur action est encore plus rapide et dure moins longtemps.
Ces analogues rapides de l’insuline sont injectés avant les repas sous forme de bolus pour réduire les hyperglycémiques post-prandiales au cours du diabète de type 1 dans le cadre d’un schéma basal/bolus ou chez les patients porteurs d’une pompe. Elles sont également utiles au cours du diabète de type 2 lors d’une intensification de l’insulinothérapie ou pour corriger ponctuellement une hyperglycémie excessive.
• Analogues lents
Ces molécules ont été modifiées à partir de l’insuline humaine pour fournir une activité plus longue et plus stable après injection. Grâce à quoi, la majorité d’entre elles ne nécessite qu’une seule injection par jour. Elles entraînent moins d’hypoglycémies et améliorent l’équilibre glycémique et en conséquence la qualité de vie des patients.
Ces insulines sont utilisées comme insuline basale dans le traitement du diabète de type 1 en association aux analogues rapides dans le cadre d’un schéma basal/bolus.
Au cours du diabète de type 2, ces analogues lents sont habituellement utilisés pour débuter un traitement par insuline sous la forme d’un schéma « bed time » c’est-à-dire avec une seule injection quotidienne le soir. L’injection de ces analogues est possible le matin, notamment lorsque le recours à un(e) infirmier(e) est nécessaire. Un « analogue ultra-lent » est prévu prochainement. Sa durée d’action d’une semaine ne nécessitera qu’une seule injection hebdomadaire, facilitant l’adhésion à l’insulinothérapie chez des patients qui la redoutent.
• Mélanges d’insuline « rapide et semi-lente » : les prémix
Les laboratoires pharmaceutiques ont élaboré des mélanges d’insuline rapide ou d’analogue rapide et d’insuline intermédiaire. Ces associations comportent une proportion variable d’insuline rapide (25 à 70%) permettant de mieux limiter les hyperglycémies après les repas. Deux injections sont donc nécessaires pour couvrir le nycthémère.
Ces prémix sont habituellement réservés au diabète de type 2
(voir - « médicaments du diabète de type 2 »).3
• Analogues concentrés
De nombreux analogues rapides et lents sont présentés en formule concentrée : passant de 100 Unités/ml, la concentration habituelle, à 200 U/mL, 300 U/mL et même 500 U/ml.
La mise à disposition de ces insulines concentrées se justifient par la miniaturisation des dispositifs d’injection (pompe à insuline, stylo injecteur) pour permettre une plus grande autonomie et allonger le délai entre deux remplissages (pompe) ou le remplacement des cartouches (stylos). Ces insulines concentrées sont très utiles lorsque que de fortes doses d’insuline sont quotidiennement nécessaires.
Ces différentes concentrations ne changent rien au fait qu’une unité d’insuline reste une unité d’insuline. Mais pour la même quantité d’insuline le volume à injecter diminue donc, et c’est généralement le matériel d’injection qui le gère.
L’insuline humaine naturelle ne provoque pas, sauf cas exceptionnels, de réaction de l’organisme lorsqu’elle est administrée.
En revanche, les analogues de l’insuline peuvent entraîner des phénomènes allergiques au point d’injection, en réaction :
- aux transformations de leur structure par rapport à l’insuline naturelle ;
- surtout aux adjuvants du produit injectable.
Une réaction allergique généralisée est exceptionnelle. 6, 6bis, 6ter, 6quar
Techniques et schémas d’injection
Dans tous les cas, la dose d’insuline injectée doit couvrir les besoins du patient et maintenir la glycémie dans les objectifs thérapeutiques
(voir - « insulinothérapie ») quel que soit le type de diabète (type 1 ou type 2) .7
Conservation de l’insuline
Les différentes insulines commercialisées sont stables à température « ambiante » pendant 28 jours une fois le produit entamé. En revanche, les réserves (stylos, flacons, cartouches) nécessitent un stockage en réfrigérateur (2 à 8°C) mais pas au congélateur, pour une conservation longue à l’abri de la lumière. En cas de mauvaise conservation, l’efficacité de l’insuline diminue, ce qui nécessite une plus forte dose pour obtenir le même effet. Le risque est donc une hyperglycémie qu’on ne s’explique pas… sauf en vérifiant les conditions de stockage. 8
Schémas d’administration
Le maintien d’un bon équilibre glycémique nécessite l’injection d’un analogue lent pour assurer un taux basal de l’insuline au cours des 24 heures.
Ce schéma peut être suffisant au cours du diabète de type 2 éventuellement en association avec des antidiabétiques oraux. L’adaptation des doses d’insuline aux glycémies capillaires est indispensable pour intensifier le traitement et parvenir aux objectifs. En cas d’échec, l’ajout d’injections d’analogues rapide au moment des repas peut être nécessaire sous la forme de bolus prandiaux.
Au cours du diabète de type 1, l’injection d’un analogue lent est indispensable lorsque le traitement repose sur un schéma basal/bolus. Pour les patients traités par pompe (avec un analogue rapide), le débit de base assure l’insulinothérapie basale.
• Stylos injecteurs
L’insuline ne peut être administrée que par injection (l’insuline orale n’est pas encore disponible et ne pourra remplacer que l’insuline basale). Les stylos à insuline qui ont aujourd’hui remplacé les seringues, sont jetables ou rechargeables par des cartouches.
Les stylos jetables, le matériel piquant et perforant comme aiguilles et lancettes utilisées pour les glycémies capillaires, sont des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) : ils doivent être éliminés dans des collecteurs dédiés disponibles en pharmacie.
Techniques d’injection
Les injections d’insuline doivent être réalisées avec soin en ne réutilisant pas les aiguilles et en variant les sites pour éviter les conséquences sur la graisse sous-cutanée appelées lipodystrophies. Ces bourrelets sont inesthétiques, peuvent modifier la résorption de l’insuline et déséquilibrer le diabète.
Pour en savoir plus ...
Consulter notre mémo « Technique d’injection avec un stylo »
• Le contrôle glycémique est indispensable
L’automesure glycémique est indispensable pour adapter les doses d’insuline à la vie du patient. Elle est réalisée grâce à une goutte de sang prélevée au niveau d’un doigt grâce à un autopiqueur et analysée par un lecteur de glycémie.
Chez les patients recevant plus de 3 injections d’insuline par jour sous autosurveillance, la mise à disposition d’un appareil de Contrôle en Continu du Glucose est possible et apporte une sécurité et un confort jusque-là inconnu pour les personnes diabétiques. 8bis
• L’insulinothérapie par pompe
Afin de limiter les injections et d’assurer un meilleur équilibre glycémique, les pompes à insuline sont aujourd’hui très utilisées, surtout au cours du diabète de type 1. Elles injectent en continu un analogue rapide dont le débit est programmé pour assurer l’insuline basale. Cela se fait par un cathéter d’injection relié à la pompe qui contient le réservoir d’insuline. Actuellement, ces systèmes fonctionnent en boucle ouverte, c’est à dire que le contrôle des glycémies par le patient est indispensable afin d’adapter le débit de base et de réaliser les bolus en fonction des repas et de l’activité physique.
• Les systèmes en boucle fermée hybride
Ils font communiquer une pompe et un capteur de glucose interstitiel grâce à un algorithme qui adapte automatiquement le débit de la pompe aux résultats du taux du glucose interstitiel déterminé par le capteur. Toutefois, des bolus d’insuline déclenchés par la personne sont encore nécessaires au moment des repas pour s’adapter à l’apport en glucides : l’automatisation n’est pas totale et la prise en compte des activités physiques intense est également nécessaire pour moduler la dose d’insuline basale.
Cette boucle fermée hybride suscite beaucoup d’attente et d’espoir.
• L’administration par voie péritonéale
Ce type particulier de pompe placé sous la peau délivre l’insuline dans l’abdomen à l’intérieur du péritoine (membrane qui entoure les viscères). Cela permet une résorption plus rapide de l’insuline qui est apportée directement au foie, comme cela se passe chez les personnes non diabétiques. Les indications sont rares (250 patients en France) et réservées aux diabètes très instables avec notamment des épisodes fréquents d’hypoglycémie. La question de la pérennité de la fabrication de ces pompes est toujours d’actualité .
Pour en savoir plus ...
Au futur : d’autres modes d’administration
La voie nasale par spray ne donne pas d’assez bons résultats. Elle est pratiquement abandonnée.
La voie pulmonaire par aérosol (comme le traitement de l’asthme) est trop aléatoire pour assurer la stabilité des apports nécessaires.
La voie sublinguale fait l’objet de recherches.
L’insuline orale est en cours d’évaluation. Une encapsulation de l’insuline permet sa libération dans l’intestin grêle mais le contrôle de la quantité de la dose réellement absorbée par l’organisme n’est pas aisé. Ce mode d’administration ne pourrait que remplacer une insuline basale traditionnelle. 9
L'éducation thérapeutique indispensable
Les progrès réguliers de la prise en charge des patients diabétiques ne tiennent pas uniquement aux améliorations de la pharmacopée et de la technologie. Les facteurs humains sont centraux dans le cadre de l’éducation thérapeutique (ETP). La prescription d’une insulinothérapie est une décision médicale partagée, qui s’accompagne d’une démarche éducative destinée à rendre le patient aussi autonome que possible.
La bonne connaissance des mesures hygiéno-diététiques et des objectifs glycémiques, l’acquisition des techniques d’injection et de contrôle, l’adaptation des doses ainsi que la conduite à tenir devant une hypoglycémie sont des points qui doivent être abordés et acquis.
Idéalement, cette prescription doit s’adapter aux conditions de vie particulière du patient afin que celui-ci l’accepte et la pratique en totalité. En étant moins exigeant on obtient parfois de meilleurs résultats par une meilleure adhésion.
(voir les témoignages de patients : Bérengère et Kim)
Le risque hypoglycémique
L’hypoglycémie chez une personne diabétique traitée se définit par une glycémie inférieure à 0,60 g/l en France. Elle est dangereuse si elle n’est pas corrigée rapidement : risque de malaise avec chute, perte de connaissance, voire coma.
L’insulinothérapie peut entraîner ces accidents hypoglycémiques lorsqu’on apprécie mal la quantité à injecter, surtout lors des repas ou des activités physiques.
Chez les patients diabétiques traités par antidiabétiques oraux l'hypoglycémie est possible.
Reconnaître les symptômes hypoglycémiques et savoir comment les corriger reste primordial.
Des mots inconnus dans ce texte ? Consultez notre Dico du diabète.
Références
1- Médecines des Maladies Métaboliques, numéro spécial, 100 ans de l’insuline : juin 2021.
2- Pascal Ferré. Action et sécrétion de l’insuline : Double jeu pour les canaux potassiques. Med Sci (Paris) 2005 ; 21 : 694–696
3- Martin Buysschaert, Vanessa Preumont, Dominique Maiter. L’insulinothérapie en 2021. Louvain Med 2021 janvier : 140 : 2-7
4- Nouvelles insulines : innovations moléculaires, galéniques et biopharmaceutiques. Académie de médecine. Bull. Acad. Natle Méd., 2017, 201, nos 7-8-9, 1255-1268, séance du 14 novembre 2017.
5- Collège national de pharmacologie médicale
6- A. Imiela, J.-Y. Tavernier. Allergie à l'insuline humaine recombinante : à propos de 3 cas avec manifestations immédiates généralisées. Revue française d’allergologie 2003 ; 43 : 165-169.
6bis - J. Waton. L’allergie à l’insuline : mise au point. Revue française d’allergologie, 2011 ; 51 : 336
6ter - Agnès Sola-Gazagnes et coll. Allergie à l’insuline à l’ère des analogues de l’insuline. Sang, thrombose, vaisseaux, 2007 ; 19 : 418
6quar - S. Kastali et coll. Allergie aux insulines avec tests cutanés positifs : à propos d’un cas. Revue Française d'Allergologie, 2015 ;55 :246
7- Romain Delpech. État des lieux passé et actuel de l’insuline (thérapies et procédés) et perspectives d’évolution. Thèse de pharmacie, 2015, faculté de Montpellier.
8- https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/conditions-climatiques-extremes-et-produits-de-sante
8bis- Éducation à l’utilisation pratique et à l’interprétation de la Mesure Continue du Glucose : position d’experts français. Médecine des Maladies métaboliques. Hors série n° 1 Juin 2017
9- Mouhamadou Diop. Formulation, développement et validation de systèmes particulaires d’insuline en vue de leur administration par voie orale. 2015, Université de Strasbourg.
Découvrez ce que ce que l’insuline et les dispositifs médicaux ont changé dans la vie des personnes atteintes de diabète :
Lien vers notre web-série
Lien vers notre article "Insuline, dispositifs médicaux et amélioration de la qualité de vie des patients diabétiques : 100 ans d’évolution".
Auteurs
Dr Sophie Duméry en collaboration avec le Pr Bernard Bauduceau
Crédits
Adobe stock © et Fédération Française des Diabétiques ©