Le 12 mai, le gouvernement a mis en place deux fichiers de santé afin de lutter contre la propagation du Covid-19 en ce début de période de déconfinement. Ces fichiers répertorient des informations collectées afin d’éviter la propagation des foyers épidémiques et de faire l’objet d’une observation scientifique. Ainsi, le Premier ministre a annoncé que les données de santé feraient l’objet d’une nouvelle utilisation, dans le cadre de l’entrée en vigueur de la loi du 11 mai prorogeant l’état d’urgence sanitaire.
Quelques définitions…
Il est important d’expliquer ce qu’est une donnée de santé, afin de comprendre le traitement et la valeur de ces informations.
Qu’est-ce qu’une donnée de santé ?
Les données de santé sont des « données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique y compris la prestation de services de soins de santé, et révèlent des informations sur l'état de santé de cette personne ». Les données à caractère personnel sont définies comme « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable », et comprennent le nom, les données de santé, les données de localisation et les caractéristiques physiques. Les données de santé sont définies comme des données sensibles selon le Règlement Général à la Protection des Données, ce qui signifie qu’elles doivent bénéficier d’un degré élevé de protection.
Qu’est-ce que le traitement des données ?
Le traitement correspond à l’observation d’informations en vue de les rendre utilisables à une fin précise. En effet, ce procédé permet essentiellement l’enregistrement et l’échange des données de santé des patients. Dans le cadre de la crise sanitaire, ce traitement est nécessaire car il peut permettre de lutter contre la propagation du virus, et d’observer l’évolution épidémiologique de la maladie.
Quelle valeur ont ces données ?
La divulgation de ces informations pouvant être préjudiciable à la protection de la vie privée des individus, il est important qu’elles soient protégées. Leur confidentialité assure le respect de ce droit, préserve le secret médical et protège les données personnelles. L’anonymisation des données assure cette confidentialité. Un compromis a donc été trouvé par le gouvernement suite à l’adoption d’un décret, par le recours aux pseudonymes, qui offre une sécurité aux individus dont l’identité ne sera pas divulguée.
Quels impacts en pratique ?
Afin de ralentir la propagation du coronavirus, deux fichiers ont été mis en place pour répertorier les informations permettant de retracer l’évolution de l’épidémie, et de briser les chaînes de contamination. Leur objectif est de permettre un suivi des tests médicaux et des risques causés par des contacts entre les personnes. La Fédération fait le point pour vous. Ces fichiers sont à différencier de l’application StopCovid qui est une application numérique de tracing.Son objet est d’alerter les utilisateurs d’un contact rencontré avec un utilisateur s’étant déclaré positif au virus. Cet outil nécessite donc une démarche active de la part des utilisateurs pour voir leurs données utilisées, à l’inverse du dispositif des fichiers de santé, dont le fonctionnement n’en nécessite pas. Actuellement en projet à l’Assemblée Nationale, son utilisation n’est pas obligatoire.
Le dispositif gouvernemental met en place deux fichiers servant à répertorier les informations relatives aux tests et aux personnes. En outre, ces données sont étudiées par des professionnels dans ces deux répertoires d’informations, et font l’objet d’une observation scientifique :
- Le fichier SI-dep ou système d’information national de dépistage constitue une base afin de centraliser la totalité des résultats de tests de dépistage réalisés à compter du 11 mai. Il va servir à répertorier les personnes infectées par le virus.
- Le fichier Contact Covid, correspond à un téléservice de l’assurance maladie. Les médecins recensent les personnes susceptibles d’avoir été en contact avec les malades au sein de ce fichier. Cela permet de déterminer les chaînes de contamination et aux personnels autorisés de l’Assurance Maladie de les contacter.
Quel est l’objectif de ce traitement des informations ?
Le traitement de ces données est habituellement soumis au consentement préalable des personnes dont les informations sont collectées.
Une dérogation à l’obligation de consentement préalable des personnes est envisagée. Aujourd’hui, l’intérêt public et l’impératif de santé publique prévoient la faculté pour le gouvernement de réaliser un traitement des données de santé sans exiger le consentement des personnes, cela est justifié en raison du contexte de la crise sanitaire.
La loi relative à l’état d’urgence sanitaire autorise à déroger au secret médical et le cas échéant, au recueil du consentement [5]. Néanmoins, les malades demeurent libres de ne pas révéler l’identité de leurs contacts, et ont le droit de s’opposer à la conservation de leurs données, à l’exception que cette utilisation soit rendue impérative par un intérêt de santé publique. Aujourd’hui cette exception est bel et bien mise en œuvre.
- Ces données doivent être partagées uniquement dans les finalités prévues par la loi : l’identification des personnes infectées par le virus, et des personnes qui présentent un risque d’infection, et l’accompagnement de ces personnes,
- une surveillance épidémiologique afin de recenser les données au niveau national et local et ainsi de limiter la propagation du virus.
Qui a accès aux données de santé ?
Les données de santé sont traitées par les personnes qualifiées par la loi pour ce rôle ce qui est notamment le cas pour les personnels de l’Assurance Maladie soumis au secret médical. Elles ne sont ni accessibles publiquement, ni aux personnes dont les données feront l’objet d’un traitement. D’une part, les médecins, les agents d’agences régionales de santé ou ceux étant sous la direction d’agences de santé ont accès aux données. Les agents spécialement habilités par les organes locaux et nationaux d’assurance maladie et ceux d’agences régionales de santé ou ceux étant sous la direction d’agences de santé ont accès aux données du fichier SI-dep ont aussi le rôle de traiter les informations. D’autre part, les personnes autorisées par la direction de l’Agence Santé Publique France, le directeur de recherche, d’évaluation des statistiques du ministère (par la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques) et par le groupement d’intérêt public « Plateforme des données de santé ou Health Data Hub » ont accès aux informations sur les personnes infectées et à leurs contacts.
Quelles garanties pour les personnes ?
Dans le but de protéger le droit au respect de la vie privée et la protection des données personnelles, le traitement des données doit présenter certaines garanties auxquelles la Fédération est très attentive. Au sein du système d’information, un décret ministériel prévoit que des pseudonymes soient utilisés pour qualifier les personnes infectées et leurs contacts lorsque leurs données feront l’objet d’un traitement. Ainsi, l’identité des individus n’est pas divulguée, et cette mesure de confidentialité leur garantit le droit à la vie privée.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a précisé la forme de traitement de ces données, afin d’être en conformité avec la constitution :
Les données présentes au sein des fichiers SI-dep et « Contact Covid » sont conservées afin d’être traitées pour une durée de 3 mois après leur collecte, et enregistrées pour une durée de 6 mois au maximum. Le gouvernement met également en place des brigades sanitaires dits « anges gardiens » par région, qui auront pour rôle d’interroger les personnes infectées. La Commission nationale informatique et libertés se chargera de contrôler l’accès des brigades aux données, afin de s’assurer qu’elles soient utilisées pour la durée et les finalités prévues.
Enfin, un décret publié le 15 mai instaure un comité de contrôle et de liaison Covid-19 tenu de vérifier « le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles » pendant toute la durée du traitement des données. Emmanuel Rusch a été nommé président du comité, il est aussi à la tête de la Conférence nationale de santé. Les présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat désigneront deux députés et deux sénateurs à la composition du comité, chargés de contrôler par des audits et des retours d’expériences l’efficacité du dispositif. Seront ajoutés à cette composition, deux représentants d’usagers chargés de porter la voix des personnes atteintes du Covid-19. Etant membres de France Assos Santé (l’union nationale des associations agrées du système de santé), ils assurent ainsi la démocratie sanitaire au sein du système d’information.
La Fédération veille quotidiennement à ce que le Règlement Général à la Protection des Données soit appliqué, ce pourquoi une grande vigilance est de mise à ce sujet. Voir notre charte de protection des données : https://www.federationdesdiabetiques.org/node/11822
Nous nous engageons à agir afin de protéger au mieux vos données et vos droits.
Sources :
1.https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/05/08/suivi-des-cas-contacts-ce-que-contiendront-les-deux-nouveaux-fichiers-medicaux-prevus-par-l-etat_6039059_4408996.html (fichier Sidep)
2.https://www.liberation.fr/france/2020/05/13/cnil-nous-ferons-plusieurs-series-de-controles_1788322 (Contrôle des brigades sanitaires)
3.https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020800DC.htm
4.https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041869923&dateTexte=&categorieLien=id (décret 12 mai 2020, articles 1, 6, 8 et 10)
5.https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041865244&dateTexte=20200513 (LOI n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions)
6.https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=E4B78860617009B73E1C76463FC84A93.tplgfr28s_1?cidTexte=JORFTEXT000041884917&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000041884870 (décret 15 mai 2020 comité de contrôle)
7. https://www.quechoisir.org/actualite-coronavirus-et-donnees-de-sante-deux-fichiers-pour-suivre-les-malades-n79203/ (explication sur l’utilité des deux fichiers)
8. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000036515027&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20180119 (code de santé publique – article L1110-4 – dérogation au consentement préalable)
9.https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041884917&categorieLien=id / https://www.ticsante.com/story.php?story=5187 (décret du 15 mai 2020 relatif au comité de contrôle et de liaison Covid-19)
10. Dossier de presse Projet StopCovid (Précision StopCovid en date du 21 mai 2020)
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