Le prédiabète est un trouble glycémique qui se tient sous la définition du diabète proprement dit ; c’est-à-dire que la glycémie à jeun se situe entre 1,10 g/L et 1,25 g/L (une glycémie normale à jeun est inférieure à 1,10 g/L) Il signale un haut risque de diabète de type 2 ultérieur, risque qu’on peut évaluer à partir du mode de vie (voir en annexe). Surtout, il s’associe déjà à un surrisque cardiovasculaire (voir encadré) en raison des autres facteurs généralement associés : excès de graisses sanguines (cholestérol LDL), tabagisme, surpoids/obésité… Ces situations s’additionnent pour perturber l’équilibre glycémique, plus ou moins rapidement selon les prédispositions génétiques et épigénétiques de l’individu.
Le mécanisme pathologique est une résistance progressive du foie et des organes à l’action de l’insuline, hormone qui fait entrer le glucose dans les cellules. On parle d’intolérance au glucose (sanguin). Le pancréas qui secrète l’insuline fournit en retour un effort important pour continuer de produire cette hormone indispensable à la survie des cellules. Avec le temps, il s’épuise. Ses cellules (îlots de Langerhans) ne secrètent de moins en moins d’insuline ; le diabète de type 2 s’installe.
Deux critères mais pas de pronostic certain
Le stade prédiabétique est défini par deux critères selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui peuvent être associés ou pas :
1 - une glycémie entre1,10 g/L (6,1 mmol/L) et 1,25 g/L (7 mmol/L) après un jeûne de 8h et vérifiée à 2 reprises ;1
2-ET/OU une intolérance au glucose de toutes cellules, en particulier hépatiques et musculaires. Elle provoque l’augmentation excessive de la glycémie après une absorption de sucre (repas ou test médical de provocation). La glycémie deux heures après une charge orale de 75 g de glucose (ou après un repas) est supérieure à 1,40 g/l (7,8 mmol/L) mais reste inférieure 2 g/l (11,1 mmol/L).
Un seul de ces critères suffit pour engager le patient à lutter contre le virage diabétique, sachant que celui-ci est maximal lorsqu’on cumule les deux critères. Toutefois, l’intolérance au glucose ne garantit pas qu’on deviendra diabétique : 50 à 70 % des patients concernés ne sont pas diabétiques dans les 5 ans et 30% ne le sont toujours pas 30 ans après,2
Une étude récente chez des Suédois de 60 ans et plus montre que la réversibilité du prédiabète ou sa stabilité sur 12 ans sont réelles, puisque seuls 30% des participants sont devenus diabétiques ou sont décédés.3 Les facteurs permettant la réversibilité du prédiabète sont l’absence de maladie cardiaque, la perte de poids et une pression artérielle plus basse. Sans oublier l’importance de l’activité physique.
Chez les patients pré-diabétiques, elle réduit de 30 à 50 % le risque d’un DT2, indépendamment des conseils alimentaires, du poids et de ses variations. Ces bénéfices sont obtenus pour des efforts modérés à élevés, mais aussi de faible intensité suggérant que chez des patients, souvent inactifs et en surpoids, la durée et la quantité totale d’énergie dépensée comptent davantage que son intensité.4
Limiter les risques modifiables
Dans la cohorte française Constances,5 en 2013, la prévalence du prédiabète était de 7,4% ; trois fois plus élevée chez les hommes (11%) que chez les femmes (3,9%). Elle augmentait avec l’âge :13,5% chez les 55-69 ans ; mais aussi chez les personnes n’ayant pas dépassé les études secondaires (10%). Si l’âge n’est pas une situation que l’on peut modifier, le mode de vie est entre les mains de chacun. La preuve en a été donnée lors du congrès 2019 de l’Association américaine de diabétologie (ADA). Une vaste étude d’intervention chez des personnes en prédiabète (PREVIEW)6 a permis de réduire à 4% le diabète de type 2 incident chez les personnes qui ont favorablement modifié leur mode de vie : alimentation équilibrée, activité physique régulière et perte de poids de 8% en moyenne. Mais cela n’a pas été facile : la moitié des participants a abandonné en cours d’étude pour retomber dans ses mauvaises habitudes. Est-ce un succès pour les médecins ? Pas vraiment. Pour convaincre, il faut laisser le patient choisir le changement de vie qui lui plaît, et assurer un suivi annuel, tout en essayant d’obtenir une réduction de poids de 7% au moins chez celui qui est en surpoids.7
Surveiller les femmes enceintes
La grossesse est un état particulier au cours duquel peut se révéler un diabète de type 2 préexistant mais méconnu ou totalement inattendu (diabète dit gestationnel). La raison en est une insulinorésistance physiologique (hormonale) au cours de la seconde moitié de la gestation. Cette insulinorésistance est normalement compensée par le pancréas. S’il est vulnérable (prédiabète par exemple) le déséquilibré glycémique s’installe. Il peut persister ou le plus souvent disparaître après l’accouchement. Mais dans ce cas la surveillance glycémique de ces patientes est indispensable et prolongée.
Les recommandations des cardiologues européens
Les nouvelles recommandations pour les personnes prédiabétiques et diabétiques, communiquées au congrès de l’European Society of Cardiology (ESC, septembre 2019) sont, outre le sevrage tabagique qui va de soi, de :
• Réduire l’apport calorique pour réduire le surpoids des patients s’il existe.
• Choisir une alimentation méditerranéenne avec de l’huile d’olive et/ou des noix pour réduire le risque d’accident cardiaque majeur.
• Assurer au moins 150 minutes (soit 30 minutes par jour, par exemple) par semaine d’activité physique modérée ou soutenue.
Références
1- Actualisation du référentiel de pratiques de l’examen périodique de santé. Prévention et dépistage du diabète de type 2 et des maladies liées au diabète. HAS, 2014.
2 - Service de diabétologie CHU Nantes - article en ligne.
https://www.chu-nantes.fr/medias/fichier/090602_prediabete_site_interne…
3- Natural history of prediabetes in older adults from a population-based longitudinal study. Y. Shang, A. Marseglia et coll. J Intern Med 2019. https://doi.org/10.1111/joim.12920
4 - Prescription d’activité physique et sportive. Diabète de type 2. Parcours de soins. HAS, septembre 2018.
5- Sonsoles FUENTES, Sandrine FOSSE-ERDOH et coll. Prévalence du pré-diabète, du diabète non-diagnostiqué et du diabète diagnostiqué chez les personnes âgées de 18 à 70 ans en France en 2013 à partir de la cohorte CONSTANCES. Communication au congrès 2018 de la Société Francophone du Diabète.
6- Etude PREVIEW, communication de Ian MacDonald, ADA 2019.
https://plan.core-apps.com/tristar_ada19/event/cec95fd3bd30e858ded5adec…
7- Prevention or Delay of Type 2 Diabetes: Standards of Medical Care in Diabetes 2019. Diabetes Care 2019;42 (Suppl. 1):S29–S33
https://doi.org/10.2337/dc19-S003
Auteur : Docteur Sophie Duméry
Crédit Photos : Adobestock et Fédération Française des Diabétiques