Beaucoup de rumeurs dramatisantes et d’informations parcellaires circulent sur les risques que la Covid-19 ferait courir aux personnes vivant avec le diabète. Près de 8 mois après l’apparition de l’épidémie en France et dans ce contexte de reprise de l’activité professionnelle, il nous est apparu nécessaire de faire le point. Charles Thivolet, Président de la Société Francophone du Diabète, Pierre Gourdy, médecin endocrinologie et métabolismes, et Jean-François Thébaut, Vice-Président de la Fédération Française des Diabétiques nous apportent leur éclairage en l’état actuel des connaissances.
Un classement « à risque » générateur de confusion
Les premières études réalisées en Chine à propos de l’impact de la Covid-19 montraient un lien étroit entre surmortalité due au virus et diabète.
En France comme ailleurs dans le monde, les personnes diabétiques ont ainsi immédiatement été classées « à risque », entraînant une certaine confusion dans la définition de ce risque.
Une confusion et une angoisse qui ont pu perturber le suivi médical habituel et le traitement des urgences, mettant parfois en danger les personnes diabétiques alors qu’elles cherchaient à se préserver du virus !
On sait aujourd’hui de façon certaine que le fait de vivre avec un diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2, n’augmente en rien le risque de contracter la Covid-19. En revanche, elle augmente pour certaines population de diabétiques celui de développer des symptômes sévères et des complications en cas d’infection (pneumonie et détresse respiratoire aiguë) pouvant nécessiter une hospitalisation en réanimation voire une intubation et même un décès.
Pourquoi un risque majoré de développer une forme sévère quand on est diabétique ?
Les infections virales, qu’il s’agisse de la Covid ou de la grippe, peuvent être plus difficiles à traiter chez les personnes vivant avec le diabète. L’élévation permanente de la glycémie peut altérer le système immunitaire et rendre plus vulnérable aux maladies infectieuses et à leurs complications. Mais, ce sont les infections elles-mêmes qui peuvent également être à l’origine d’un déséquilibre de la glycémie et/ou aggraver certaines complications du diabète déjà présentes.
C’est la raison pour laquelle cette sensibilité aux infections, plus prononcée que dans la population générale, fait du diabète en soi un facteur de risque de complications.
Tous les diabétiques sont-ils pour autant exposés aux mêmes risques face à la Covid-19 ?
Loin de là car, comme le montrent toutes les études portant sur les cas les plus sévères (hospitalisations, réanimations, décès), certains facteurs sont susceptibles d’être à l’origine de complications. L’étude baptisée CORONADO, initiée par les acteurs français de la diabétologie et dont la 2ème vague de résultats est en cours de publication, a permis de mieux comprendre qui sont les personnes hospitalisées pour Covid-19 lorsqu’elles sont diabétiques à partir de l’étude de près de 3000 patients diabétiques hospitalisés pour une forme grave de la Covid 19 entre le 10 mars et le 10 avril 2020.
Le profil de ces patients est clairement celui de personnes :
- Agées de 70 ans en moyenne (dans l’étude CORONADO, l’âge moyen des sujets décédés en cours d’hospitalisation était de 77 ans, +/- 11 ans et 63% des sujets décédés avaient 75 ans ou plus).
- Majoritairement des hommes (65%).
- Très majoritairement atteints de diabète de type 2 (89% vs 3% de type 1 et 3% de diabète découverts à cette occasion).
La grande majorité des patients hospitalisés pour Covid-19 présentaient un diabète de type 2. Le diabète de type 1 était peu fréquent et associé à un meilleur pronostic chez les sujets les plus jeunes (avant 55 ans).
D’autres facteurs de risques ont en effet été identifiés comme étant associés à une forme sévère de la Covid-19. Il s’agit en particulier :
- Du surpoids et de l’obésité (indice de masse corporelle supérieur à 30) ;
- Des complications préexistantes liées au diabète (micro ou macro-vasculaires), responsables de problèmes rénaux ou cardiaques par exemple ;
- Des pathologies associées (hypertension, problèmes pulmonaires ou hépatiques…).
Un facteur de sur-risque demeure incertain à ce jour, celui du déséquilibre du diabète comme prédictif d’une forme sévère entraînant une hospitalisation. Pour le professeur Charles Thivolet, endocrinologue et président de la Société Francophone du Diabète (SFD), même si certaines incertitudes demeurent sur ce point, il est logique de penser qu’une amélioration de l’équilibre et du poids réduit le risque de développer une forme grave en cas d’infection COVID.
Selon ce spécialiste, on peut en tout cas affirmer que « Sur une population hospitalisée pour Covid-19 dont un tiers est diabétique, l’âge est un facteur commun... mais un facteur sur lequel bien sûr on ne peut pas agir, contrairement par exemple au contrôle du poids passant par une alimentation équilibrée, une activité physique suffisante et globalement par une bonne hygiène de vie ».
Qu’en est-il des enfants et des adolescents diabétiques ?
Les enfants et les adolescents, quel que soit leur état de santé antérieur, représentent moins de 1% des cas de personnes infectées par la Covid-19 et, lorsque c’est le cas, ils présentent davantage de symptômes légers (voire pas de symptôme du tout).
Quant aux jeunes diabétiques, presque exclusivement de type 1, ils ne souffrent généralement pas de complications et ne présentent pas de forme sévère. Aucun décès n’est d’ailleurs à déplorer en France chez les moins de 15 ans.
Dans la partie de l’étude CORONADO, consacrée au diabète de type 1, aucun décès de patient diabétique de type 1 de moins de 55 ans n’est à déplorer.
Femmes enceintes et diabète
Grossesse et diabète (y compris diabète gestationnel) augmentent potentiellement le risque de développer des complications dues à la Covid-19. Les changements physiologiques qui se produisent durant la grossesse expliquent cette augmentation des risques pour les femmes enceintes.
Si aucune trace de virus n’a été trouvée pour l’heure dans le liquide amniotique, le placenta ou le lait maternel de femmes enceintes infectées, on évalue encore mal les risques éventuels de complications obstétricales.
Les recommandations en direction des femmes enceintes sont les mêmes que celles s’appliquant à la population générale avec cependant une attention particulière à la glycémie.
La Fédération comprend vos inquiétudes. Elle se mobilise pour vous soutenir :
La fin de l’activité partielle et la reprise de l’activité professionnelle ont suscité de nombreuses craintes chez certains d’entre vous. Qu’en est-il à l’heure actuelle et que fait la Fédération ?
Depuis le 1er septembre 2020, la plupart des travailleurs diabétiques qui bénéficiaient jusqu’alors de l’activité partielle doivent reprendre leur activité. La fin du dispositif d’activité partielle s’applique également à leurs proches. Il s’agissait d’une mesure dérogatoire mise en place dans le cadre de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire.
Alors que le Gouvernement, devant le refus du HCSP de déterminer les situations des patients les plus vulnérables, s’apprêtait à publier un décret mettant fin au dispositif d’activité partielle pour l’ensemble des travailleurs à risque de développer une forme sévère de la Covid-19, la mobilisation des associations de patients, dont celle de la Fédération Française des Diabétiques, a permis d’atténuer partiellement cette décision brutale en maintenant un dispositif dérogatoire pour les travailleurs considérés comme étant les plus à risque.
Pour ce qui concerne le diabète, la décision finale prise par le Premier Ministre permet le maintien en activité partielle des travailleurs diabétiques de plus de 65 ans présentant une obésité ou des complications micro/macro vasculaires. La Fédération a conscience que ces critères sont restrictifs notamment vis-à-vis de l’âge du départ à la retraite, même si la limite réglementaire maximum de l’âge du travail dans le secteur privé est de 70 ans. Dans le cadre des discussions avec les ministères et par mesure de précaution, elle a d’ailleurs insisté pour qu’un panel plus large de patients puisse en bénéficier (pour ceux notamment qui présenteraient une obésité, des pathologies associées, un diabète secondaire à une autre pathologie, sans distinction liée à l’âge).
En revanche, il n’a pas été possible d’obtenir de maintien du dispositif d’activité partielle pour les proches de personnes très vulnérables.
La mobilisation se poursuit et nous continuons d’insister auprès des pouvoirs publics pour que des mesures protectrices indispensables soient prises à l’égard des salariés contraints de retourner au travail. Plusieurs demandes ont déjà été faites aux ministères de la santé et du travail :
- Que le télétravail soit rendu opposable aux employeurs pour les personnes vulnérables dont le poste le permet ;
- Que soit instauré un dispositif permettant la prise en charge de transport individuel (taxi ou vtc) pour les personnes dont les conditions de sécurité ne sont pas remplies dans les transports en commun ;
- Que soit instauré un statut protecteur pour les personnes vulnérables pour empêcher tout licenciement pendant une période à déterminer, qui doit être assez longue, sauf en cas de faute grave sans lien avec la situation de santé.
- Et surtout que chaque situation particulière puisse être étudiée au cas par cas conjointement par le médecin du travail et le médecin traitant ou le diabétologue traitant pour qu’une solution sûre puisse être proposée à chacun.
Tout aggravation de la situation qui pourrait faire craindre une nouvelle vague épidémique importante nécessiterait de reprendre des mesures de précautions beaucoup plus importantes et la Fédération continue de se mobiliser pour vous soutenir.
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