Le Président de la République puis le Premier ministre et le Ministre des Solidarités et de la Santé nous avaient informés de cette possibilité de la mise en place d’une application dénommée « Stop-Covid ». Il s’agissait de mettre en place une méthode de repérage des patients contaminés et de ses contacts possibles. C’était indispensable pour accompagner un déconfinement en toute sécurité et éviter la redoutée deuxième vague.
De nombreuses questions se sont posées quant à la technique, l’utilité, l’efficacité à partir des expériences étrangères, mais aussi et surtout celles concernant la protection de la vie privée et du secret médical, avec bien sûr en filigrane la personnalité du consortium industriel porteur du projet. Toutes les représentations publiques, institutionnelles ou citoyennes y sont allées de leurs commentaires. Vous trouverez à la fin de cet article les liens sur les principales réactions : CNIL, Conseil National du Numérique, Conseil de l’Ordre des médecins, France Assos Santé ….
Finalement l’exécutif s’est rangé du côté de la pression ou de la sagesse populaire : il n’y aura pas d’application mobile de traçage. Hier soir le Ministre des Solidarités et de la Santé l’a affirmé, lors du compte rendu de la cellule interministérielle de crise quotidienne : StopCovid est abandonné, aussi bien la solution internationale reposant sur une coopération entre Apple et Google ou que la solution française pilotée par l’INRIA prénommée « protocole Robert ». La veille Nicolas Revel, le directeur Général de la CNAM, avait longuement expliqué dans un interview aux journal « les Echos » puis sur les ondes, le protocole qui allait être mis en place.
Il s’agit de confier cette tâche à un trio :
1. Les médecins qui assureront le diagnostic et la déclaration à l’Assurance Maladie,
2. l’Assurance Maladie qui assurera la confidentialité du système d’information et qui contactera la personne contaminée malade ou pas et recherchera les personnes contacts pour les informer et leur conseiller de s’isoler quelques temps,
3. les brigades mobiles de professionnels de santé chargées d’aller faire les prélèvement à domicile et d’assurer les recommandations.
Quel objectif général de cette procédure :
Comme beaucoup de maladies contagieuses, le coronavirus se transmet d’humain à humain. Il est donc d’abord fondamental d’appliquer à priori les gestes barrières seules mesures préventives efficaces. Mais il est aussi nécessaire de savoir si on a été en contact rapproché avec une personne contaminée afin de se surveiller, de se faire tester voire de se confiner pour ne pas risquer de contaminer d’autres personnes et en particulier son entourage et les personnes fragiles. Cette procédure devra donc prévenir les personnes de la survenue d’un contact soit immédiatement si la personne contaminée est déjà identifiée comme porteuse du virus, soit à postériori si le test se révèle positif à distance.
Quelle procédure :
Les médecins établiront les diagnostics et procéderont aux tests soit directement dans leur cabinet soit dans un laboratoire de ville. Dès le diagnostic connu, les médecins pourront ou devront - selon ce que dira la Loi en cours de rédaction- renseigner un site sécurisé de l’Assurance Maladie à partir de leur espace Ameli-pro. Ils pourront également si le patient en est d’accord désigner les personnes avec lesquelles ils ont eu un contact rapproché. Cette procédure sera couverte par le secret médical mais va bien sur nécessiter une autorisation législative.
L’Assurance Maladie devra alors s’assurer que la personne contaminée se met bien volontairement en quarantaine. Et contactera les personnes contacts pour les prévenir et mettre en place une procédure de testing à domicile. Les brigades Covid, pourront se déplacer au domicile du patient contaminé afin d’étudier les conditions de son confinement par rapport à l’entourage et éventuellement de lui proposer un hébergement temporaire dans un hôtel réquisitionné à cet effet. Les brigades iront également au domicile des personnes contacts pour effectuer les prélèvements tests.
Est-ce utile et efficace ?
Certains pays comme la Corée du Sud ou Taiwan ont déjà par le passé largement utilisé cette méthode. Elle s’est avérée très efficace mais couteuse en temps pour le système sanitaire. Un article l’estimait à 24 h de travail par dossier. C‘est la raison pour laquelle ces pays sont passés à une solution électronique dite de tracking. C’est efficace mais pas toujours bien utilisé par la population y compris dans les pays asiatiques, ainsi par exemple, à Singapour où cette application est largement diffusée, seule 20% de la population l’utilise !
Cette procédure respectera-t-elle les libertés individuelles et le secret médical ?
Par construction, c’est une exigence impérative à la fois de la puissance publique, des instances ordinales et de la CNIL
La CNIL, le CNNum et le CNOM ont d’ores et déjà donné leurs recommandations.
Cette solution préserve le secret médical pour ce qui concerne la personne infectée puisque tous les acteurs de la chaine : médecins, professionnels de santé et agents de l’Assurance Maladie y sont déjà contraints.
En revanche d’autres questions se posent et devront être résolues soit par des décisions réglementaires soit par des décisions législatives dans la seconde Loi d’urgence qui va être rapidement présentée aux Assemblées.
- Y aurait-il une rétention autoritaire en quarantaine ?
Non seulement pour les personnes infectées arrivant aux frontières en provenance hors de l’Europe et du Royaume-Uni
Pour toutes les autres personnes « récalcitrantes » ce serait un régime d’amendes qui serait à l’étude, comme pour le respect du confinement – Problème qui pourrait être habilité à donner ces amendes compte tenu du fait que le secret médical s’oppose à la police, hors procédure judiciaire ?
- Y aura-t-il une obligation de signalement des personnes contacts ?
Non, ce sera une déclaration volontaire impliquant surement l’autorisation des personnes concernées. Ce ne sera que le médecin traitant et l’Assurance Maladie qui documentera cette liste sous couvert du secret médical. Cela doit être considéré comme une procédure d’intérêt et de santé publique et non comme une délation. Mais à ce jour rien ne peut le rendre obligatoire.
- Est-ce que les médecins seront rémunérés pour faire ce travail ?
Oui, l’Assurance Maladie a prévu une indemnité de 55 € par dossier transmis à l’Assurane Maladie.
Quand et qui décidera ?
Logiquement, ce choix devrait être fait avant le 11 mai car c’est un des outils indispensables pour un déconfinement en douceur pour éviter la redoutée deuxième vague.
Qui décidera ? In fine un vote des Assemblées sur proposition du Gouvernement
Qui va piloter ce système ?
Bien sur le maitre d’ouvrage sera l’État dans sa fonction régalienne de sécurité sanitaire, mais avec une délégation à l’Assurance Maladie et aux professionnels de santé
Pourquoi le gouvernement -t-il choisi cette solution ?
Les raisons sont multiples : inadéquation de nos systèmes d’information, inéquité d’équipement des citoyens risquant d’aggraver la fracture numérique, impossibilité de trouver une solution interopérable qui ne soit pas celle des grands opérateurs Apple et Google …
Mais la raison principale est surement culturelle et politique. Les Français sont assez génétiquement allergiques à tout ce qui s’apparente à un traçage ou un listing, rapidement assimilé à du flicage à la « Big Brother ». De fait la levée de boucliers contre une solution tout informatique a été très large de droite de gauche y compris de la part de certains députés de la majorité présidentielle. De plus les représentants des usagers et des protections civiques y étaient très opposés.
Mais dans tous les cas respectez les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale si vous êtes à risque.
Liens utiles :
https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/2020.04.23_COVID19_CNNUM.pdf
https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/enjeux-tracage-numerique
https://www.cnil.fr/fr/publication-de-lavis-de-la-cnil-sur-le-projet-dapplication-mobile-stopcovid
A lire aussi, l'expérience de la Corée du Sud :
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