Et pourtant, il y a 100 ans, Frederick Banting et Charles Best vendaient les droits de brevet pour l’insuline à l’université de Toronto pour seulement 1 dollar symbolique en déclarant : « l’insuline appartient au monde, pas à nous ». Un paradoxe frappant entre l’intention de ces chercheurs à l’origine de cette découverte majeure et la réalité actuelle marquée par un accès à l’insuline bien trop faible dans de nombreux contextes …
5 faits marquants sur le diabète à l’international :
- 463 millions d’adultes vivent avec le diabète dans le monde (9e édition atlas, Fédération internationale du diabète, IDF, 2019 1)
- Seulement 1/2 personne atteinte de diabète de type 2 dans le monde à accès à l’insuline dont elle a besoin (Organisation mondiale de la santé, OMS) 2
- Seulement 1/7 personne atteinte de diabète de type 2 en Afrique à accès à l’insuline dont elle a besoin (OMS)
- Pour acheter un mois d’insuline, un travailleur à Accra, au Ghana, dépenserait l’équivalent de 5,5 jours de son salaire par mois (soit 22%) (chiffres réaccueillis par l’OMS entre 2016 et) 3
- En 2030, 79 millions d’adultes atteints de diabète de type 1 auront besoin d’insuline et seulement 38 millions pourront en disposer (9e édition atlas IDF, 2019)
Les 8 étapes clés de l’accès à l’insuline :
Le coût de fabrication de l’insuline humaine 4 pour un flacon de 10 ml (100U) se situerait entre 2,28 et 3,42$ US alors que le coût pour l’insuline analogue se situerait pour la même dose entre 3,6 et 6,34$ US. Les prix des marchés publics sont de 1,8 à 2,6 fois plus élevés pour l’insuline humaine et 2,0 à 9,3 fois plus élevée pour l’insuline analogue (Gotham et al. 2018).5
Ces tarifs affectent directement les patients qui en ont besoin puisqu’aujourd’hui encore certaines personnes renoncent ou économisent leurs consommations en ne prenant pas l’intégralité des doses recommandées quotidiennement ! En 2016, l’ancienne Directrice générale de l’OMS Margaret Chan- déclarait : « Les personnes atteintes de diabète qui dépendent de l’insuline paient le prix ultime lorsque l’accès à ce médicament fait défaut. »
Le cadre de l’OMS sur le cycle de vie des médicaments fournit un modèle pour comprendre le processus et, dans l’article de David Beran et Al. publié en 2020, 6 un modèle en plusieurs temps est proposé pour comprendre la complexité des barrières de l’accès à l’insuline. En effet, avant d’être commercialisée, l’insuline passe par de nombreuses étapes qui impactent chacune d’une certaine manière sa mise à disposition et sa bonne utilisation :
1 IDF Atlas 9th edition and other resources (diabetesatlas.org)
4 On retrouve deux catégories d’insuline fabriquée en laboratoire : l’insuline humaine et l’insuline analogue. La structure moléculaire de l’insuline humaine est identique à l’insuline produite par le pancréas humain alors que la structure de l’insuline analogue est légèrement modifiée par rapport à l’insuline humaine afin de lui donner de nouvelles propriétés.
5Production costs and potential prices for biosimilars of human insulin and insulin analogues (bmj.com)
6 Beran2021_Article_AGlobalPerspectiveOnTheIssueOf.pdf
Comme le montre ce processus long et complexe, une multitude de défis mondiaux et nationaux affectent aujourd’hui directement et indirectement la capacité des patients à accéder à l’insuline, et il n’est pas toujours simple d’en saisir toutes les nuances.
Les initiatives de la communauté internationale pour assurer l’accès aux traitements dont ils ont besoin à toutes les personnes atteintes de diabète se sont par ailleurs multipliées ces derniers mois. L’évènement le plus notable est sans doute le lancement le 14 avril dernier du Pacte mondial contre le diabète par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce pacte fixe un nouveau cadre d’action contre le diabète, avec pour objectifs non seulement de mieux prévenir l’apparition de diabète de type 2, qui est en expansion constante dans le monde, mais également de réunir les forces pour permettre à toutes les personnes d’accéder aux traitements dont elles ont besoin, l’insuline étant en première ligne.
Côté France, plusieurs parlementaires ont montré leur soutien à ce combat. C’est particulièrement le cas du député Vincent Ledoux qui, le 14 avril dernier, a déposé une proposition de résolution à l’Assemblée nationale pour l’accès universel à l’insuline. Dans ce texte, le député « invite le Gouvernement à conforter les initiatives de l’OMS » et lui propose « d’appuyer l’augmentation du nombre de laboratoires produisant une insuline de qualité ». Le même jour, le Ministre de la Santé Olivier Véran s’est lui-même exprimé en appelant la communauté internationale à supporter le Pacte mondial contre le diabète.
En décembre dernier, la Fédération avait par ailleurs écrit conjointement au Premier ministre Jean Castex et au Ministre de la Santé Olivier Véran pour demander le soutien de la France à la proposition de Résolution sur la prévention et la prise en charge du diabète ainsi que l’accès à l’insuline portée par la Fédération internationale du Diabète. Cette proposition de résolution n’a malheureusement pu aboutir, mais la Fédération internationale du Diabète, dont la Fédération française des Diabétiques est membre, poursuit sa mobilisation en vue de l’adoption d’une nouvelle Résolution en janvier 2022.
Une chose est certaine, le centenaire de la découverte de l’insuline constitue une nouvelle fois l’occasion de porter un regard attentif sur une situation urgente. La Fédération française des Diabétiques est par ailleurs entièrement consciente de ces enjeux internationaux, et encourage ainsi toutes les initiatives en faveur d’un accès à l’insuline plus généralisé pour les 100 prochaines années d’innovation et de progrès en perspective.
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