Les troubles des conduites alimentaires (TCA) touchent grandement les personnes atteintes d’un diabète. Quel accompagnement psychologique proposer à un patient atteint d’un TCA et d’un diabète ? La Fédération fait le point avec la psychologue Inès Aaron.
Inès Aaron est psychologue en libéral mais également à l’hôpital dans un service de diabétologie. En libéral, elle accompagne de nombreux patients souffrants de troubles des conduites alimentaires (TCA), tels que l’anorexie mentale, la boulimie compensatoire, l’hyperphagie et ceux spécifiques au diabète de type 1, tels que la diaboulimie. Depuis qu’elle a intégré un service de diabétologie, elle découvre l’articulation complexe entre diabète et TCA. Elle prend en charge en thérapie individuelle :
- Des femmes atteintes majoritairement de diabète de type 1 et de TCA ;
- Des hommes atteints d’un diabète de type 1 ou 2, mais aucun n’est atteint de TCA. Ce qu’elle explique par le fait que : « en cas de TCA, les hommes ont souvent moins recours à des psychologues. » ;
- Des femmes uniquement atteintes d’un diabète de type 1 ou 2.
En quoi la psychologie est importante pour la prise en charge des TCA en cas de diabète ?
Selon la psychologue, accompagner des personnes atteintes de troubles des conduites alimentaires par la psychothérapie et par l’écoute active est pertinent dans l’accompagnement d’une personne en souffrance. Cependant, elle émet des doutes quant à la possibilité de guérir d’un TCA uniquement grâce à une psychothérapie. Elle déclare : « La psychothérapie aide le patient, dans l’accompagnement et le soutien, mais elle ne suffit pas à elle seule ». C’est pour cela que l’accompagnement pluridisciplinaire, (diététicien, psychiatre et diabétologue) en cas de TCA et de diabète, est essentiel. Vous avez déjà peut-être pris connaissance de l’entretien d’Anaïs Gaillot, diététicienne-nutritionniste spécialisée dans la prise en charge du diabète de type 1 et 2 et des TCA, du Dr Clément Vansteene, psychiatre et de la Pr diabétologue, Hélène Hanaire.
Inès Aaron collabore avec les professionnels de santé du patient, tels que le psychiatre et le diabétologue. Cependant, le manque de temps de ces derniers freine souvent la collaboration pluridisciplinaire.
Par ailleurs, elle déplore le manque d’accompagnement de cette double pathologie : diabète et TCA : « C’est un drame qu’il existe assez peu de services spécialisés dans les deux pathologies pour le moment. Les patients se retrouvent trimballés entre des soignants qui vont soit se préoccuper davantage de leur TCA, ou davantage de leur diabète. » De plus, il existe une contradiction entre la prise en charge du TCA, où l’on va davantage conseiller au patient d’arrêter de se focaliser sur son poids et sur son alimentation et la prise en charge du diabète qui sera plutôt portée sur l’adaptation du traitement et de l’alimentation : « L’insulinothérapie fonctionnelle (IF) par exemple, nécessite une estimation permanente des apports glucidiques ». Cela crée un cercle vicieux, qui tend à renforcer certaines conduites.
Alimentation et psychologie sont-elles liées ?
D’après l’expertise de la psychologue, l’alimentation et la psychologie sont des domaines liés. La manière de s’alimenter à un rapport direct avec la psychologie parce que ce sont des facteurs psychologiques qui influencent nos conduites alimentaires. Elle déclare : « Pour une personne atteinte d’un diabète, il suffit d’être en hypoglycémie ou en hyperglycémie pour observer l’impact que cela a sur l’humeur ». Les variations de la glycémie ont probablement des impacts psychologiques et physiologiques. Certaines zones du cerveau sont concernées par ces variations.
Prise en charge
Inès Aaron nous explique en quoi peut consister une prise en charge psychologique.
Comment les personnes atteintes de diabète et de TCA sont amenées à la consulter ?
Les personnes atteintes de diabète et de TCA sont amenées à consulter Inès Aaron parce qu’elles sont en souffrance psychologique. Mais, la psychologue observe une difficulté car souvent les patients atteints de TCA ne veulent pas se débarrasser de leur trouble, par peur de reprendre du poids par exemple. D’ailleurs elle observe que les patients atteints d’un diabète et de TCA ne viennent pas consulter pour leur TCA : « Souvent le patient cache son TCA, sans en parler, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de la gêne, de la honte d’en parler à son psychologue et que ce n’est pas l’objet de leur demande. »
Quelles sont les spécificités du diabète qui pourraient favoriser l’apparition d’un TCA ?
D’après l’experte, les troubles des conduites alimentaires sont d’abord liés à une insatisfaction corporelle. Cette insatisfaction mène à des mécanismes restrictifs, qui donnent lieu à des moments de crises alimentaires, de craquages, et ainsi de suite. Le diabète qu’il soit de type 1 ou de type 2, nécessite un traitement qui demande beaucoup de contrôle : attention portée à l’alimentation, au nombre de glucides, à l’activité-physique, au poids… Inès Aaron observe que : « Beaucoup de personnes atteintes de diabète de type 1, ont développé un TCA, pour lequel elles étaient déjà prédisposées (prédispositions d’ordre génétique, sociale et sociétale, environnementale…) mais dans lesquels elles ne seraient jamais tombées à ce point-là, si elles n’avaient pas été atteintes de diabète. »
Les TCA chez une personne atteinte de diabète entraînent souvent de fortes variations de la glycémie, avec notamment beaucoup d’hyperglycémie, observe la psychologue.
La prise en charge psychologique est-elle prise en charge en Affection Longue Durée (ALD) ?
En milieu hospitalier, toutes les consultations données par la psychologue sont prises en charge et le patient n’a rien à payer. En libéral, certaines mutuelles remboursent les séances de psychologie en lien avec l’affection de longue durée, liée au diabète, d’autres non.
Il existe aussi le dispositif « Mon soutien psy » permettant de bénéficier d’un remboursement de 12 séances de psychologie par an.
Le processus vers la guérison est complexe. Comment accompagner les rechutes et quels conseils donner ?
Pour Inès Aaron, la notion de « guérison », est complexe. Elle pense que le patient ne peut pas se débarrasser de ses préoccupations liées au physique et à l’alimentation, mais qu’il peut néanmoins retrouver des préoccupations saines, que n’importe qui pourrait avoir, sans replonger dans son trouble. Elle observe une partie de sa patientèle féminine qui s’en sort, après un trouble de la conduite alimentaire, en retrouvant une sérénité liée à l’aspect corporel et à l’alimentation.
La psychologue déclare que nous pouvons accompagner la rechute des TCA, de la même manière que l’on accompagne un fumeur qui a réussi à arrêter de fumer pendant 20 ans et qui se remet à fumer. Il est essentiel de faire preuve d’indulgence et de bienveillance quant à la rechute du patient. Elle déclare : « Valoriser l’expérience de l’arrêt est également essentiel, parce qu’un patient qui s’en est déjà sorti une fois, peut s’en sortir une 2ème fois. Il sait comment il a fait, il sait que cela marche et nous savons que cela marche également. Donc c’est porteur d’espoir. »
Nous devons montrer au proche atteint de TCA et d’un diabète de type 1 ou 2, que nous sommes présents pour lui et que nous portons un intérêt à ce qui lui arrive : « Il peut être difficile par exemple, d’être le parent d’un jeune qui se met en danger en omettant ses injections d’insuline. Mais, il faut être en capacité d’exprimer son inquiétude, sans l’envahir avec son inquiétude ou son jugement ». Il s’agit donc de mêler : « bienveillance, curiosité, transparence sur son ressenti, patience et espoir ».
À retenir :
- L’accompagnement psychologique est important mais insuffisant seul en cas de TCA et de diabète de type 1 ou 2. Une prise en charge pluridisciplinaire (diabétologue, psychiatre, diététicien) est essentielle ;
- La prise en charge psychologique est remboursée en milieu hospitalier. En libéral, le remboursement dépend des mutuelles ou du dispositif « Mon soutien psy » (remboursement de 12 séances par an) ;
- La notion de « guérison » d’un TCA est complexe ; l’objectif est de retrouver une relation saine à l’alimentation et au corps ;
- En cas de rechute, le proche doit faire preuve d’indulgence et de bienveillance en valorisant les progrès passés.
Pour en savoir plus :
- Retrouvez l'entretien complet avec la psychologue Inès Aaron, sur le site du Diabète LAB: TCA et diabète: quel accompagnement psychologique ?
- Découvrez l’entretien avec Anaïs Gaillot, diététicienne-nutritionniste spécialisée dans les TCA et le diabète de type 1 et 2 :
- Partie 1 : la prise en charge diététique d’un TCA ;
- Partie 2 : le rôle des acteurs dans le processus de guérison des TCA ;
- Retrouvez la synthèse de l’entretien avec Dr Clément Vansteene : psychiatre spécialisé dans la prise en charge des TCA, et l’entretien intégral sur le site du Diabète LAB ;
- Découvrez également l’entretien avec Pr Hélène Hanaire sur la diaboulimie dans le diabète de type 1 ;
- Retrouvez l’ensemble de notre contenu lié aux TCA et aux différents types de diabète en cliquant ici.
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