Dans un contexte de pression accrue sur les personnes soumises à des traitements au long cours, nos organisations ont mis en place une démarche participative pour permettre l’expression des personnes concernées sur les dispositifs et outils qui leur semblent prioritaires pour favoriser le bon suivi de leurs traitements. C’est en effet un enjeu essentiel, en termes médico-économiques et de santé publique, qui doit forcément être envisagé par rapport à l’objectif prioritaire de la qualité de vie des patients dans la durée. L’ensemble de notre démarche aboutit à une idée force unanimement reconnue qui peut être résumée par la nécessité de dépasser le terme « observance » pour lui préférer celui d’adhésion, d’autant qu’il apparaît nécessaire aux personnes concernées de mettre la « décision médicale partagée » au centre de la relation soignant/soigné.
Quatre groupes de recommandations ont été identifiés pour s’inscrire dans une dynamique d’adhésion de la personne malade chronique à son traitement.
Changer le regard sur la maladie
Pour mettre la vie avec les traitements au long cours, et les contraintes qu’ils représentent, au premier plan des débats, il faut réaffirmer la place centrale de l’expérience des personnes concernées. Les difficultés que pose la maladie doivent être prises en considération sans être l’objet de discriminations ou de stigmatisations… car ce qui influence fortement le bon suivi d’un traitement c’est l’acceptation de la vie en société avec la maladie.
Responsabiliser par l’information et la formation à la décision partagée
Cela paraît évident, mais pourtant la bonne information du patient et de son entourage semble encore trop souvent faire défaut… notamment sur les effets indésirables ou secondaires des traitements qui conditionnent largement l’adhésion à ceux-ci. Pour cela, l’information attendue par les patients doit être progressive et répétée. Le défi de l’information n’est pas l’exclusivité des médecins, il doit être relevé par l’ensemble des professionnels de santé ; l’information est déjà, historiquement, la pierre angulaire des actions menées par les associations intervenant dans le champ de la santé.
La bonne information constitue la première étape vers la décision partagée pour permettre l’adhésion au traitement. La décision partagée ne se justifie pas que dans les hypothèses médicamenteuses et interventionnelles les plus graves. Elle ne relève pas seulement d’un choix instantané, mais aussi d’une démarche personnelle au long cours. En ce sens, la formation à la décision partagée doit être autant envisagée pour les professionnels de santé que pour les patients et les aidants.
Mobiliser les professionnels de santé
La formation initiale et continue des professionnels de santé doit leur permettre de mieux comprendre les enjeux de la maladie avec les traitements au long cours vécus par les patients eux-mêmes. Il ne s’agit pas seulement de faire témoigner des patients au cours d’une formation universitaire, mais d’inclure des patients en situation de formateurs et leur expérience dès la conception des formations.
Au-delà des seuls médecins, c’est l’ensemble de la relation soignant(s)-soigné qui doit faire l’objet de la plus grande attention pour participer utilement à l’adhésion. Et la qualité de cette relation soignant(s)-soigné dépend aussi de la coordination entre professionnels de santé et de bien d’autres éléments de l’organisation de notre système de santé.
Offrir des aides concrètes
- Soutenir et développer les lieux d’éducation par les pairs.
- Reconsidérer le rôle d’accompagnant de certains professionnels de santé pour améliorer l’observance, dont les infirmiers ou les pharmaciens qui sont souvent au quotidien les plus proches des malades chroniques, et reconnaître de nouveaux métiers dans certains domaines ou contextes.
- Favoriser et développer l’éducation du patient, qui ne doit pas être envisagée de façon momentanée mais dans une perspective de continuité dans le temps.
- Développer les outils numériques et de la e-santé pour et avec les personnes concernées, avec comme leitmotiv l’idée de « se surveiller, oui… être surveillé, non » !
- Résoudre les obstacles matériels à l’adhésion au traitement (difficultés liées à la galénique, ruptures d’approvisionnement…).
- Couvrir les restes-à-charge, y compris en matière d’outils numériques ; et compenser les transferts de charge, notamment ceux liés à la promotion des soins ambulatoires.
Au final, les recommandations des panélistes aboutissent à...
- réclamer que les expériences de la vie avec les traitements au long cours et leurs conséquences sur la vie et l’entourage des patients prennent le dessus sur une normalisation des comportements dictée par la contrainte économique ;
- revendiquer que l’humain, c’est-à-dire la personne prise dans toutes ses dimensions, sa complexité et sa subjectivité, soit reconnu comme le premier facteur permettant l’adhésion ;
- estimer que les préférences du patient doivent être au coeur de la décision partagée car cette approche est la première garantie de l’adhésion ;
- justifier l’utilisation et le recours au numérique pour fonder l’autonomie du patient dans une logique de réappropriation motivationnelle de ses indicateurs plutôt que dans une logique de disqualification et de sanction des « non-observants » : « Se surveiller oui, être surveillé non » ;
- considérer que toute partie prenante du système de santé, à commencer par les représentants associatifs, est légitime à être un acteur de l’adhésion, à condition que ce soit dans une démarche d’intérêt général et de responsabilité sociale globale, en dehors de tout conflit d’intérêts.