Education Thérapeutique du Patient : indispensable au remboursement ?
L’insulino-délivrance automatisée n’est pas encore une boucle réellement fermée mais hybride (voir dossier dédié), puisque les algorithmes de pilotage ne peuvent pas se passer d’informations que détient le patient diabétique de type 1 : repas, activité physique, infection. Les émotions même fortes ne sont pas pour les médecins des événements déséquilibrant la glycémie au point de justifier un bolus insulinique spécifique.
L’automatisme d’injection de l’insuline basale maintient la glycémie dans la cible thérapeutique (70 mg/dL - 180 mg/dL) surtout lorsque le corps est en état stable, c’est-à-dire pendant le sommeil. Selon le Pr Eric Renard (Montpellier), les quatre systèmes commercialisés en Europe (Tandem Control-IQ, Diabeloop DBLG1, Medtronic MiniMed 780G, CamDia APS) permettent d’éliminer les hypoglycémies nocturnes, avec un temps dans la cible glycémique presque total la nuit. Mais les courbes de la glycémie se gâtent avec les repas dans les études présentées. Car tous les patients sous-déclarent peu ou prou la quantité de glucides qu’ils ingèrent, rendant inadéquats les bolus calculés par l’algorithme de commande, qui ne sait pas encore « scanner » les plats pour rectifier les erreurs d’appréciation !
De fait, le temps dans la cible sur 24 heures a du mal à dépasser les 70%, rendant urgent l’apprentissage de l’insulinothérapie fonctionnelle en éducation thérapeutique du patient (ETP). C’est le maillon faible de la prise en charge que pointe Eric Renard : les études cliniques des quatre dispositifs cités montrent que le temps dans la cible augmente avec le niveau d’éducation. Or la maitrise du système grâce à l’ETP permet un contrôle glycémique optimal, ce qui est un des atouts indispensables au remboursement par l’Assurance Maladie.
Bien que la Haute Autorité de Santé (HAS) ait donné un avis technique favorable au DBLG1 de Diabeloop, le dossier de candidature au remboursement déposé au Comité économique des produits de santé (CEPS) s’enlise, alimentant les débats entendus au congrès. La Fédération Française des Diabétiques avait d’ailleurs envoyé, quelques jours avant, une lettre ouverte aux acteurs de cette négociation pour les enjoindre à trouver une solution permettant l’accès dans les meilleurs délais. La SFD est très favorable à la boucle fermée hybride chez l’adulte et l’enfant, dans des indications cadrées qu’elle a publiées en septembre 2020*, cadrées certes mais incluant beaucoup de monde… La facture provoque manifestement des frictions entre les acteurs de la négociation.
Greffe d’îlots pour patients hautement instables
Malgré l’efficacité de la « boucle hybride » et ses améliorations algorithmiques régulières ; il reste des diabètes de type 1 hautement instables qui résistent à la parfaite discipline des patients et l’astuce thérapeutique des diabétologues. La HAS a heureusement donné son accord en juillet 2020 à la greffe d’îlots pancréatiques, dont les résultats sont très satisfaisants dans une indication qui restreint son emploi à environ une centaine de patients par an quand les autres stratégies thérapeutiques ont échoué. Cette greffe se pratique en centres de référence qui s’organisent pour mailler le territoire, et travaillent avec des plateformes spécialisées dans la production de greffons. La technique est exigeante et ces patients particuliers doivent suivre un traitement immunosuppresseur permanent non exempt de risque en lui-même. Cette option thérapeutique n’est donc aucunement un choix, mais un dernier recours. Encore n’est-ce possible que chez quelques-uns.
Gare au foie gras !
« Il n’y a pas que le glucose dans la vie » avertit le Pr Dominique Langin (INSERM, Toulouse) en détaillant les troubles liés aux cellules graisseuses chez les patients diabétiques de type 2. Chez eux surviennent des stéatoses hépatiques (c’est-à-dire du « foie gras ») appelées vulgairement « maladies du soda ». La stéatose se transforme dans un tiers des cas en stéatohépatite inflammatoire non alcoolique (NASH en anglais), atteinte placée dans la catégorie plus vaste des hépatites inflammatoires non infectieuses non alcooliques (NAFLD en anglais). Dans la cohorte CONSTANCES française, 22% des participants sont diabétiques de type 2 méconnus sont aussi, pour 60% d’entre eux, porteurs d’un foie gras : soit le triple de la prévalence connue auparavant en France. Que craindre ? Que le foie gras devienne NASH, se fibrose (un cas tous les 7 ans) puis se cirrhose (insuffisance hépatique) et se cancérise dans 2,5% des cas environ. Malheureusement le cancer hépatique survient aussi directement une fois sur deux chez des personnes avec seulement une NASH. Ces NASH ne sont habituellement dépistées que chez les personnes obèses, celles avec trop de graisses sanguines et les personnes hypertendues, chez qui elles sont fréquentes. Il faut désormais les rechercher chez les personnes diabétiques de type 2 car elles grèvent leur espérance de vie.
Grossesse et ménopause, à bien gérer
Les risques métaboliques féminins mettent en lumière les fortes distinctions hormonales des troubles glycémiques. Par exemple, la grossesse se programme idéalement chez une femme à l’équilibre glycémique optimal. Pour les femmes diabétiques de type 1 (et 2) la glycémie maternelle doit rester au moins 70% du temps dans la cible thérapeutique (63 mg/dL - 140 mg/dL). Toute hyperglycémie altère le fœtus, mais surtout le placenta dont l’activité hormono-régulatrice est cruciale. Faute de quoi surviennent pré-éclampsie, gros bébé et une kyrielle de complications qui imposent un contrôle serré du diabète (même s’il est « seulement » gestationnel). La mesure continue du glucose est ici un bénéfice prouvé, voire l’insulinothérapie en boucle hybride/fermée en cours d’essai, selon le Pr Hélène Hanaire (CHU, Toulouse).
Les avantages procurés par les hormones féminines contre le diabète métabolique (type 2) renforcent l’intérêt du traitement hormonal de la ménopause (THM), à condition qu’il soit instauré rapidement à l’arrêt des règles et par voie cutanée (estradiol) en balançant les risques cardiaques et de cancer chez chaque patiente.
21e siècle peu propice à la santé
Les perturbateurs endocriniens environnementaux perturbent l’équilibre hormonal sexuel, rejoignant les préoccupations de genre homme/femme en matière métabolique. Oui, les pesticides à impact hormonal sont très probablement diabétogènes (type 1 et 2), affirme le Pr Nicolas Chevalier (CHU, Nice), mais leur part dans l’installation de ces maladies diabétiques est certainement plus faible que celle du mode de vie à risque. Mode de vie où l’on peut d’ailleurs inclure le travail posté et de nuit, catastrophe métabolique tant il perturbe les rythmes cellulaires. Enfin, la pollution atmosphérique aux particules fines est probablement aussi diabétogène, mais on voit mal comment y échapper…
L’étude CORONADO*, mise en route rapidement au printemps 2020 grâce à une intense collaboration de 68 centres hospitaliers français et soutenue par la Fondation Francophone pour la Recherche sur le Diabète (FFRD), a donné de premiers résultats à approfondir (CORONADO Contrôle en cours) chez les personnes diabétiques adultes, essentiellement de type 2 du fait de leur nombre dominant. Si un patient hospitalisé sur deux a pu rentrer chez lui, la mortalité reste préoccupante : environ 20% au 28e jour d’admission hospitalière. Le Pr Pierre Gourdy (CHU,Toulouse) a mis l’accent sur la gravité liée à l’âge avancé, au sexe masculin, à la situation socio-économique défavorable, et au nombre de médicaments contre les maladies surajoutées (comorbidité), que l’on soit diabétique de type 1 ou 2. Le danger majeur était l’hyperglycémie au moment de l’hospitalisation avec des complications microvasculaires : atteinte rénale, mal perforant plantaire. Quel en est le mécanisme ? Le Pr Pierre Gourdy a insisté sur l‘orage inflammatoire viral ajouté aux désordres immuns et inflammatoires déjà présents ; ils aggravent l’hyperglycémie et conduisent à la cétose. De plus, l’hyperglycémie altère l’efficacité des monocytes, cellules patrouilleuses de la défense immunitaire. Le parfait contrôle glycémique s’impose donc, surtout s’il faut administrer des corticoïdes pour préserver l’oxygénation pulmonaire, le poumon étant l’organe immédiatement touché par la multiplication virale.
Congrès de la SFD, Strasbourg, du 21 au 26 mars 2021 : à retrouver sur le site de la SFD : https://www.sfdiabete.org/
Auteur : Docteur Sophie Duméry