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Diabète et troubles des conduites alimentaires : quels sont les liens ?

Diabète et TCA
Les troubles des conduites alimentaires, ou TCA, sont des psychopathologies qui sont récurrentes dans la population diabétique. Le présent article a pour objectif de sensibiliser pour une meilleure prise en charge des TCA parmi les patients. Mélanie Mercier, diététicienne-nutritionniste, nous donne quelques éclairages.

Diabète et TCA : l'œuf ou la poule ?

Il existe un lien étroit entre diabète et troubles psychiques (anxiété, dépression, TCA, etc.). 

Ainsi, les patients atteints de diabète de type 1 sont considérés à haut risque de développer un TCA (risque multiplié par 1,5 à 2 par rapport à des personnes comparables, non atteintes d’un diabète), en particulier l’anorexie ou la boulimie, surtout lorsque le diabète survient durant la préadolescence, un moment de la vie où les transformations physiques et psychologiques sont importantes. 

S’il est difficile d’établir un lien de causalité clair entre diabète de type 1 et TCA, plusieurs éléments caractéristiques de la prise en charge du diabète de type 1 peuvent être cités comme facteurs précipitants : 

  • Le contrôle, en général (horaires des repas, objectifs glycémiques, surveillance de la glycémie, horaires des traitements, anticipation des évènements, suivi régulier de l’HbA1c, examens de surveillance, etc.),
  • Le contrôle de l’alimentation, avec parfois une restriction (souvent subie, au départ) et une « catégorisation » des aliments (bons / mauvais),
  • Une rationalisation de la prise alimentaire : plus de lien avec les besoins / les envies / l’appétit mais souvent des préoccupations autour des nutriments (glucides, lipides, etc.) et des grammages à respecter. 

« Dans le DT1 on est plus sensibilisés sur la gestion de la nourriture avec les ateliers avec les diététiciens et parler toujours de grammage, de glucides etc. Et ça peut engendrer des comportements « déviants ». C’est très personnel comme ressenti mais j’ai toujours été gênée avec tout cela ! »  Aurore

En effet, les comportements d’anorexie sont précipités par les comportements à adopter lors du diagnostic de diabète de type 1.

Les injonctions alimentaires vont aussi concerner les patients recevant un diagnostic de diabète de type 2, qui vont souvent être incités à perdre du poids rapidement pour améliorer l’équilibre de leur glycémie. 

Ces injonctions ont pu être, par le passé, très pesantes et contre-productives mais il est aujourd’hui largement admis que la prise en charge alimentaire du diabète de type 2 passe par un rééquilibrage de l’alimentation et non par une restriction. Le but est de modifier des comportements alimentaires délétères et de faire adhérer le patient sur le long terme. D’autant plus quand la présence des TCA est antérieure au diabète de type 2. Les patients présentant une hyperphagie boulimique sont, en effet, plus à risque de développer un diabète de type 2, du fait de la prise de poids importante engendrée par le TCA.

Chez les patients souffrant d’un diabète de type 2, l’incidence des TCA non « typiques » est de l’ordre de 10% à 20%. Une prise en charge adaptée du TCA est alors indispensable pour équilibrer le diabète. 

Quelles sont les conséquences des TCA sur la santé de la personne atteinte de diabète ?

Outre les complications « générales » des TCA, il existe des conséquences spécifiques sur la santé des patients atteints d’un diabète.

Quelles sont les conséquences dans la vie des personnes vivant avec un diabète et atteintes d’un TCA ?

Santé physique :
Les TCA s'accompagnent souvent des déséquilibres glycémiques importants : 

  • Hypoglycémies, en cas de restriction alimentaire ou de comportements compensatoires entraînant des dépenses énergétiques (sport à outrance) ou une non absorption des aliments ingérés (vomissements, laxatifs) ; 
  • Hyperglycémies, en cas d’ingestion massive d’aliments riches en sucres et/ ou en graisses et/ ou de non prise du traitement (omissions ou sous-dosages des injections d’insuline volontaires), permettant de ne pas « absorber » les nutriments ingérés : on parle alors de « diaboulimie ». Elle touche 6 à 7% des patients atteints de diabète de type 1. Les hyperglycémies provoquées volontairement entraînent une élimination du glucose dans les urines (très abondantes) et une perte de poids… et des conséquences redoutables à long terme sur le développement de complications du diabète.

A court terme, ces variations glycémiques peuvent être importantes et sont extrêmement fatigantes pour les patients. La survenue d’une hypoglycémie sévère peut par ailleurs engendrer une perte de connaissance. 
Sur le moyen et le long terme, ces déséquilibres sont liés aux complications du diabète qui affectent les yeux, les reins, le cœur, les nerfs, etc.

Santé mentale :
Les patients atteints de diabète ont déjà une lourde « charge mentale » à porter au quotidien, induisant souvent des troubles psychiques tels que l’anxiété et la dépression. Les TCA accentuent ce phénomène, entraînant souvent une faible estime personnelle et un désarroi marqué. 

Comme le souligne Coline Hehn, psychologue de la santé :
" Il découle des troubles des conduites alimentaires de nombreuses conséquences sur la vie psychique des patients, comme des psychopathologies (dépression, anxiété). Être accompagné par un professionnel de la santé mentale comme un psychiatre ou un psychologue est alors essentiel pour pouvoir atténuer les symptômes, oser parler de son quotidien et ne pas se sentir seul face à ce qui nous semble irréversible. La santé mentale est un bien précieux, un peu trop souvent malmené, mais essentiel pour avoir la meilleure qualité de vie possible. "

Santé sociale : 
La dépréciation personnelle entraîne souvent un sentiment de honte et un isolement, qui enferme d’autant plus le patient dans son TCA. Il est rare que le sujet soit abordé ouvertement avec l’entourage, tant le patient se sent responsable de son trouble. Les repas partagés, composantes essentielles de nos interactions sociales, deviennent encore plus source d’angoisse pour les patients atteints de diabète et de TCA. L’intensité des crises de boulimie et d’hyperphagie et leur enchaînement peuvent conduire les patients à manquer le travail, s’isolant de fait davantage.

Entourage : 
Les TCA ont souvent des répercussions importantes sur l’environnement familial et amical des patients, pouvant engendrer de grandes souffrances. Il est important de ne pas négliger la prise en charge psychologique de la famille, souvent en détresse également. 

 

3 points clés :
- L’incidence des TCA est plus importante chez les patients ayant un diabète qu’en population générale.
- Les liens entre TCA et diabète sont bidirectionnels. 
- Les TCA ont des répercussions importantes sur l’équilibre d’un diabète.

Pour en savoir plus sur les TCA les plus fréquents, les signes évocateurs et les solutions d’accompagnement, consultez nos articles dédiés :

Diabète et troubles des conduites alimentaires : comment les définir ? 
Troubles des conduites alimentaires : comment les repérer ?

*Sources : 
American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders : DSM-5, Fifth Edition, 2013.

American Diabetes Association. Type of Eating Disorders. Consulté le 31 mai 2024. 

DZIEWA Magdalena, BANKA Bartosz, HERBET Mariola, PIATKOWSKA-CHMIEL Iwona. Eating Disorders and Diabetes: Facing the Dual Challenge. Nutrients (en ligne). 2023. 

HANGLAN Margo, GRIFFITH Julie, PATEL Nira, JASER Sarah. Eating Disorders and Disordered Eating in Type 1 Diabetes: Prevalence, Screening, and Treatment Options. Curr Diab Rep (en ligne). 2013.